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Saber Bouatay, ancien ministre de la jeunesse et des sports : «La corruption dans le domaine du sport a plusieurs facettes» Dossier : Corruption dans le sport tunisien
«La corruption dans le domaine du sport existe et personne ne peut la nier. Elle a même plusieurs facettes dans la mesure où tout ce qui touche à l'intégrité des personnes intervenantes dans ce domaine peut être qualifié d'acte de corruption et doit normalement être puni par la loi. Seulement, le problème en Tunisie est, à mon avis, l'ambiguïté de la loi n°104/1994 et spécialement ses articles 55 et 56 qui concernent la corruption et les sanctions y afférentes. L'article 55, par exemple, est très mal élaboré car il n'incrimine pas dans sa stipulation la «tentative de corruption» qui est un délit en soi dans la législation des pays avancés. Ce qui laisse la porte largement ouverte devant les corrupteurs. Car si la tentative était punie, on aurait des résultats très positifs dans la lutte contre le corruption qui reste un crime qui doit relever du champ d'action du code pénal. On a donc tendance à être très laxiste vis-à-vis de la corruption dans le domaine sportif. Beaucoup de projets et d'études ont été faits pour combler ces lacunes juridiques, mais ils n'ont pas trouvé d'échos favorables à ce jour. Ce qui me conduit à dire que le sport et le ministère de la Jeunesse et des Sports restent le parent pauvre auquel on n'accorde pas l'intérêt qu'il mérite. Alors que dans les pays avancés, le sport est la vitrine de la société et de l'économie des nations. Tout passe donc par l'existence d'une volonté politique qui se soucie sérieusement des problèmes du sport national et des réformes profondes qu'il y a lieu de mettre en place en passant bien évidemment par une refonte de la législation s'y rapportant. Pour ne rien vous cacher, la corruption dans le domaine du sport ne se limite pas aux pots-de-vin pour l'achat d'un match ou d'un arbitre, chose que bon nombre de clubs et de responsables pratiquent sans être inquiétés, mais le problème est parfois beaucoup plus grave que cela. Il y a des dossiers «tabous» qu'on ne veut pas ouvrir au sein du ministère et qu'il est grand temps d'y toucher et de divulguer comme par exemple certains marchés publics très suspects passés avec des étrangers d'une manière illégale ou qui n'ont pas respecté les conditions des cahiers des charges une fois accordés à leurs bénéficiaires. Pour exemple, le dossier de gazonnage des terrains dans tout le pays. C'est un dossier qui donne froid dans le dos. Les blessures musculaires et de tendons qui sont devenues très fréquentes chez nos footballeurs à cause du mauvais état du gazon ou du tartan en témoignent d'une manière éloquente. C'est de la corruption de gros calibre passible de peines aussi lourdes que sa gravité. L'impunité encourage et encouragera encore les corrupteurs et les corrompus en Tunisie dans le milieu favorable actuel. Pour être positif, je dirais que tout peut être corrigé. On peut installer la bonne gouvernance en révisant d'une manière scientifique et moderne l'organigramme du ministère de la Jeunesse et des Sports. On peut également introduire des spécialités académiques nouvelles dans nos universités, à l'instar des pays européens comme le «droit du sport», la «gestion du sport», le «management du sport» et l'«économie du sport». Ce sont des spécialistés porteuses et très rentables pour le pays et pour les investisseurs intéressés par le domaine sportif qui est un vecteur économique de grande envergure à l'étranger. Une fois bien géré, bien réglementé et mieux structuré, le sport sera à l'abri des pratiques des malfaiteurs qui se verront couper l'herbe sous le pied».