Par Abdelhamid GMATI «La corruption est le cancer qui sévit au cœur de tant de problèmes du monde». C'est le constat fait par le Premier ministre britannique, David Cameron, il y a quelques jours. Il y a, du reste, unanimité pour considérer que la corruption est un fléau mondial qui touche tous les pays et tous les secteurs d'activités. L'ONG Transparency International précise qu'«aujourd'hui plus de 6 milliards de personnes vivent dans un pays avec de sérieux problèmes de corruption». La Tunisie n'y échappe pas. On estime que la corruption a pris de l'ampleur sous la dictature et s'est amplifiée depuis 2011. Le gouvernement actuel semble en avoir fait l'une de ses priorités. Outre l'Instance nationale de lutte contre la corruption, on a créé, lors du remaniement ministériel de janvier dernier, un ministère de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption. Chawki Tabib, président de l'Instance, déclarait, en avril dernier, que la corruption touche tous les secteurs, précisant qu'une cinquantaine de dossiers concernent d'actuels responsables au pouvoir. Il estime aussi que la corruption dans les marchés publics coûte à l'Etat des pertes évaluées à environ 25% du volume des marchés publics estimé à 8 milliards de dinars. De son côté, la Banque mondiale affirme que le taux de corruption dans les marchés publics se situe entre 5 et 10%. Le ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, Kamel Ayadi, a annoncé que son ministère compte «rendre publique une liste nominative des entreprises publiques dont l'implication dans des faits de corruption a été avérée». Le ministre de la Jeunesse et du Sport, Maher Ben Dhia a limogé un directeur de son département suspecté dans une affaire de corruption. Le directeur limogé avait profité de son poste pour détourner les appels d'offres du département dont il a la charge vers une société qu'il a créée à cet effet et enregistrée sous le nom de l'un de ses proches. Le P.D.G. de l'Agence technique des transports terrestres affirmait, lundi dernier, que «des cas de corruption sont constatés au sein de son agence pendant les visites techniques des véhicules. Durant les prochains mois, des efforts seront fournis pour contenir ce phénomène. On apprend, aussi, que lundi dernier, un individu, recherché pour différents délits (vols à main armée, agressions et tentatives de meurtre) a été arrêté à Siliana. Il a, alors, offert au chef de la patrouille de police 20.000 dinars contre sa libération. Le refus de sa proposition va lui valoir, outre les autres chefs d'accusation, d'être poursuivi pour tentative de corruption d'un employé. Ceci pour les constats. Mais il est urgent que le ministère et l'Instance, dépassent cette phase de «diagnostic» et passent à l'exécution d'un plan et d'une stratégie efficace de lutte contre la corruption. Selon Achraf Aouadi, président de Transparency International I Watch, «il y a un vrai problème d'impunité qui règne depuis la révolution et qui n'encourage pas à se battre». Or l'impunité encourage la corruption. Ibrahim Missaoui, président de l'Association tunisienne pour la lutte contre la corruption, a annoncé, le 25 mars dernier, que «seuls 970 cas de corruption dénoncés, depuis décembre 2012, ont abouti à des poursuites en justice». On peut citer, à cet égard, l'Instance nationale de lutte contre la corruption, dont l'un des membres a exigé une commission pour l'achat de matériel informatique et a été limogé puis remis à la justice. On citera, aussi, l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire qui, en février dernier, a pris des mesures disciplinaires contre 49 juges, dont 5 seront traduits au pénal pour corruption, abus de pouvoir et appartenance politique». Ce n'est là qu'un début et les autorités doivent engager la lutte contre l'impunité. C'est ce que recommande le rapport de la Commission internationale de juristes basée à Genève qui estime que «es autorités tunisiennes doivent agir contre l'impunité face aux violations des droits de l'Homme et renforcer les droits des victimes dans les procédures pénales». Il est entendu que «la sanction doit commencer au sommet, pour donner l'exemple et dissuader la base. Les responsables soupçonnés ou confondus d'actes de corruption doivent répondre de leurs actes, étant entendu que nul n'est au-dessus de la loi». On ne saurait éliminer définitivement la corruption, mais on peut en diminuer considérablement l'ampleur, en luttant contre l'impunité.