Par Abdelhamid GMATI «Partout dans le monde, le journalisme est la cible d'attaques». Tel est le message du dernier rapport de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) sur les tendances mondiales en matière de liberté d'expression et de développement des médias. « La liberté de la presse est en danger, y compris dans les pays démocratiques », affirme Reporters sans Frontières (RSF) dans son dernier rapport. Selon l'organisation internationale, « l'indépendance des médias est soumise à des pressions de plus en plus fortes à cause des relations complexes entre le pouvoir politique et les organismes de régulation, des tentatives de décrédibiliser ou d'influencer les médias et les journalistes, et des budgets en réduction ». Le rapport relève que les journalistes sont exposés à des agressions physiques et verbales qui menacent leur capacité de diffuser des nouvelles et d'informer le public. Ainsi, entre 2012 et 2016, 530 journalistes ont été tués. Concernant la Tunisie, que RSF classe au 97e rang sur 180 pays, les organismes concernés font un constat similaire. La Haica se plaint de la réduction de son budget, au titre de l'année 2018, d'environ le quart de ce qui a été convenu auparavant et ce sans aucun justificatif. Et l'instance relève certains dépassements graves et des tentatives de mainmise du pouvoir sur les médias publics, alors que les Tunisiens seront bientôt appelés aux urnes pour les élections municipales. Le président de l'instance, Nouri Lajmi, qui donnait une conférence de presse vendredi dernier, évoque la révocation de certains responsables de médias audiovisuels de leurs postes sans consulter la Haica, outre certaines plaintes dénonçant le retour aux directives du pouvoir et l'atteinte aux droits et aux libertés. Et il s'étonne que « certaines chaînes continuent de diffuser leurs programmes alors qu'elles n'ont pas de ressources publicitaires et que d'autres continuent à enfreindre la loi en continuant à diffuser leurs programmes sans avoir de licence ». De son côté, le Snjt déplore, dans son rapport semestriel, « la persistance des violences contre les journalistes, en particulier lorsqu'il s'agit d'accès à l'information ». On apprend qu'entre mars et août 2017, 139 journalistes ont été victimes d'agressions physiques ; ce sont 35 journalistes femmes et 104 hommes exerçant dans des chaînes de télévision, des radios, des journaux ainsi que des sites électroniques qui ont été victimes d'agressions. Le Snjt appelle à la suppression des circulaires internes qui entravent l'accès à l'information. Il est, aussi, relevé un retour à certaines pratiques visant à empêcher les journalistes d'accéder aux sources d'information, particulièrement au niveau régional. On s'accorde sur le fait que la liberté d'expression et de la presse est un des principaux acquis de la Révolution. Mais qu'en a-t-on fait ? La multiplication des titres et l'obligation de trouver des sources de financement, principalement publicitaires, les ont amenés à rechercher le buzz. De plus, en réaction aux interdits et à la pensée unique du régime dictatorial, certains médias, certains journalistes se sont mués en « opposants », mettant l'accent sur le négatif, n'hésitant pas à être alarmistes. La « une » de certains journaux est explicite : on n'y trouve que des grèves, des suicides, des braquages, des incestes, des viols, des actes de violence. Et les « patrons » de ces médias imposent leurs propres opinions, leur propre ligne éditoriale. En fait, chacun veut choisir l'information qu'il transmet. Un peu partout dans le monde, les autorités usent de divers prétextes, en particulier la sécurité nationale, pour contrôler l'information diffusée. Les uns et les autres n'hésitent pas à s'attaquer aux médias et à leur crédibilité au point que, dans certains pays, le brassard « presse » fait de son porteur une cible. « La critique des médias est légitime, estime Virginie Dangles, rédactrice en chef de RSF, mais il ne faut pas entretenir un climat permanent de suspicion à l'égard des journalistes ». Cet acharnement contre les médias les pousse à l'autocensure. En définitive, tout cela est une atteinte au droit à l'information du public. « La liberté de s'informer est la plus menacée, celle-ci recule également dans les démocraties occidentales », estime RSF. Cette rétention de l'information que l'on veut imposer nécessite, comme pour toute liberté, une lutte permanente.