Des applications qui permettent aux individus d'assumer leur image et leur paraître et de mettre en scène leur quotidien. Se prendre en photo selfie, se faire une vidéo velfie ou publier une story sur les réseaux sociaux, instagram et facebook... est une tendance qui marque depuis quelques années le monde du web. Ce phénomène, très en vogue depuis, repose sur un principe très simple : l'individu se prend en photo lui-même avec son appareil photo ou son smartphone et une baguette selfie. Depuis l'émergence des réseaux sociaux, le selfie s'est imposé tout d'abord comme une pratique courante dans le monde : adolescents, jeunes, adultes, anonymes, célébrités, politiciens... prennent des photos selfie et les posent dans leurs pages sur les réseaux sociaux. La prise d'une photo selfie est devenue un fait quotidien qui consiste à partager avec ses abonnés et amis des moments éphémères de la vie quotidienne. Mais si l'on cherche dans la composition même du terme «selfie», on remarque que c'est un mot dérivé de l'anglais «self» qui veut dire «soi-même» et qui désigne l'autoportrait. Ce phénomène, devenu dès lors mondial, s'est propagé dans toutes les sphères sociales. Notre sociologue et professeur à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, Mohamed Jouili, explique que ce phénomène est bien lié avec la montée de l'individualisme. «Le mot selfie, composé de self, qui veut dire en anglais soi-même, traduit un jeu de self, c'est-à-dire mettre son soi- même et son estime de soi en avant. Auparavant, le portrait ou l'image d'un individu était capté par autrui, c'était l'autre qui participait à construire l'image de soi... Aujourd'hui, c'est devenu une responsabilité individuelle. Nous n'avons plus besoin de l'autre pour poser et c'est le top de l'individualisme», éclaire le sociologue. Un «velfie» pour le fun Rahma est une jeune fille de 24 ans. Elle est tellement passionnée par les réseaux sociaux et la prise de photos en selfie qu'elle ne rate aucun moment pour marquer ses pages et ses comptes facebook, instagram et twitter. La jeune étudiante poste régulièrement ses photos chez elle, à la faculté, avec ses amies, du matin au soir. Sa passion ne s'arrête pas uniquement aux publications de photos, mais elle prend aussi des vidéos et les poste en story. D'ailleurs, Rahma a découvert depuis un moment l'application "velfie" qui consiste à prendre des photos en vidéo et de les publier sur les réseaux sociaux. Elle l'a installée depuis dans son smartphone et l'utilise souvent pour publier des petites histoires drôles entre amies ou famille. L'étudiante publie presque tous les jours une story sur son compte facebook et instagram qui raconte un fragment de sa vie quotidienne qui ne dure que 24 heures. Après, la vidéo disparaît et c'est principalement pour le fun qu'elle fait ces storys, alors que le sociologue M. Jouili pense que ce phénomène est forcément dû au fait que l'être humain assume davantage son image et qu'il n'a plus besoin de l'autre pour maintenir ce lien avec soi-même, ce qui explique un souci de soi. «La story et la pratique du "velfie" s'inscrivent dans cette optique. C'est une histoire que l'on construit en restant dans une logique d'éphémère. Il s'agit , en effet, d'une story consommable et jetable contrairement aux photos qu'on avait l'habitude de conserver précieusement dans des albums. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, même l'identité est devenue virtuelle. Les photos que l'on prend, et que l'on publie sur les réseaux sociaux, n'ont pas de feedback, parce que l'individu suit l'éphémère et ne s'inscrit pas dans la durée. C'est de l'individualisme négatif et égocentrique. Cela traduit un mal-être individuel et même un acharnement identitaire lorsqu'il y a un excès de post de selfie ou de story», note le sociologue. Des fragments de vie Mais qu'est-ce qu'on cherche lors de la publication d'une photo selfie ? Pour répondre à cette question, certains jeunes facebookeurs, à l'instar de Nada et Malek, ont déclaré que leur but principal serait de collecter le plus de «likes» sur leurs photos. C'est rassurant pour eux que leurs photos plaisent à leurs amis et leur famille sur les réseaux sociaux. «Partager ses photos, des bribes de notre vie, entre amis, est un jeu amusant, dont le but serait de collecter un grand nombre de vues, ou de likes, ce qui augmente notre confiance en soi, parce qu'on sait qu'on est devenu plus populaire», justifie Nada, lycéenne de 18 ans. Le selfie, snapchat, velfie , story... et toutes les autres applications se sont bien intégrés dans notre vie en tant que phénomène social qui s'est mondialisé et est devenu une culture qui a vite trouvé sa place dans la société grâce à la facilité de son usage et de son partage sur les réseaux sociaux. Cette nouvelle tendance pousse l'individu à se concentrer uniquement sur soi, sur son selfie, son apparence et son paraître.