Par Abdelhamid Gmati La lutte contre la contrebande bat son plein. Il suffit de constater les résultats des opérations successives menées par les services compétents pour mesurer l'ampleur de ces trafics. Qu'on en juge. Les unités de la garde nationale ont mené une nouvelle campagne du 19 au 25 novembre qui a permis de déjouer 86 opérations de contrebande et de saisir des marchandises d'une valeur de 2.808.226 dinars : 114 véhicules et camions faisant l'objet de recherche, 22 fusils de chasse et 74 cartouches de différents calibres détenus sans autorisation, 59 plaques de chanvre d'indien, 1,303 kg de cocaïne et 154 pilules psychotropes. On a aussi déjoué quatre tentatives de franchissement illégal des frontières terrestres, avec arrestation de 9 personnes. Trois autres opérations ont été menées sur les frontières maritimes et 221 individus ont été arrêtés. Du 15 au 21 octobre, 124 opérations ont été menées aboutissant à des saisies de marchandises d'une valeur de 4,5 MD. Selon le communiqué du ministère de l'Intérieur, ces opérations ont permis d'arrêter 1.186 individus recherchés, parmi lesquels quatre seraient suspectés d'appartenir à une organisation terroriste et trente-deux seraient liés à des affaires de terrorisme. 107 véhicules de transport ont été saisis en plus de 2 kilos de cannabis. Et durant la même période, on a mis en échec 56 opérations de traversée clandestine de la Méditerranée et arrêté 344 individus. Dimanche dernier, 5 camions chargés de marchandises de contrebande ont été interceptés par les unités de la garde nationale des gouvernorats de Jendouba, de Nabeul, de Sfax et de Médenine. La valeur de ces marchandises s'élèverait à 193 mille dinars. Rappelons que durant 10 mois, de septembre 2016 à fin juin 2017, la valeur des saisies s'est élevée à 708,823 millions de dinars. Les marchandises sont diverses : des devises, des cigarettes, des hydrocarbures, des boissons alcoolisées, de l'électroménager, des métaux et autres. Durant le 1er semestre 2017, saisie de 848.622 cartouches de cigarettes (pour un montant de 45,280 millions de dinars), de 11.926 kg de «maâssel» totalisant la valeur de 136,122 millions de dinars. Parmi les grosses prises, figure celle effectuée en février dernier sur un bateau, de 806.800 cartouches de cigarettes contrefaites pour 44 millions de dinars. Les saisies de cannabis ont été, rien que durant le mois d'avril 2017, de 292 kg, d'une valeur de 1,463 million de dinars. Quant au montant des devises saisies en liquide, de janvier à début juillet 2017, il a atteint la contre-valeur de 2,853 millions de dinars. Malgré toutes ces campagnes, les trafiquants et les hors-la-loi continuent leurs activités. Et ils n'hésitent pas à s'attaquer aux forces de l'ordre. C'est ainsi que, dimanche dernier, une patrouille de la garde douanière a été attaquée par des trafiquants à bord de 20 voitures qui essayaient de libérer un camion saisi chargé de cigarettes de contrebande dans la zone de Ghrifa (gouvernorat de Tataouine). Les douaniers ont appelé des renforts. Et, ensemble, ils ont repoussé puis pourchassé les contrebandiers. Lors de cette course-poursuite, il y a eu des échanges de tirs. Un des contrebandiers assaillants a été arrêté avec son véhicule. Il s'agit d'un ex-militaire, originaire de Ben Guerdane, renvoyé, dont le frère est un terroriste dans les rangs de Daech. Et malgré les saisies quotidiennes, on estime qu'il y a 8 fois plus de marchandises qui échappent aux contrôles. C'est pourquoi cette lutte requiert la contribution du citoyen. Un numéro vert est mis à la disposition des citoyens pour signaler tous les types de corruption: le 80.102.222. Il est évident que cette contrebande paie, ce qui explique l'implication d'hommes d'affaires et autres responsables (dont certains ont été arrêtés) aux côtés des trafiquants qui opèrent sur des frontières devenues poreuses. Cela explique, aussi, les risques que prennent les contrebandiers. C'est qu'il y a un marché, un moteur pour leurs marchandises. Il y a bien sûr les terroristes qui s'approvisionnent en argent (devises), en armes et munitions, en drogues, en carburant et même en moyens de locomotion. Mais il y a aussi le citoyen lambda. Une récente étude de l'Institut tunisien des études stratégiques (Ites) indique que plus de 77 % des Tunisiens achètent des produits issus de l'économie parallèle. Cette dernière représente 15 à 20% du produit intérieur brut (PIB), emploie 30% de la main-d'œuvre non agricole. Les consommateurs tunisiens son attirés par les prix pratiqués dans ces marchés parallèles. Il se trouve que ces marchandises de consommation ne sont pas sans danger. «Plus de 80% des composants automobiles, habits et produits cosmétiques en vente en Tunisie sont contrefaits et représentent des risques sanitaires et économiques», a révélé, jeudi 19 octobre, le président de l'Organisation tunisienne pour informer le consommateur (Otic), Lotfi Riahi. Le directeur général de City Cars, concessionnaire de KIA motors Tunisie, Mehdi Mahjoub, a indiqué que «les grandes quantités de pièces de rechange contrefaites, actuellement en vente en Tunisie, pourraient avoir de grandes incidences sur les autres composants des voitures et être ainsi la cause d'accidents mortels». En définitive, c'est le citoyen tunisien qui sert de moteur à cette contrebande mais qui peut aussi la combattre. Dans son intérêt et celui de son pays.