Une chorégraphie subtile et éloquente rejoint une mise en scène qui fait déborder la scène au-delà de l'espace et du temps, pour atteindre cette dimension universelle de l'art. La compétition officielle des Journées théâtrales de Carthage nous a permis de découvrir la nouvelle pièce d'une troupe habituée des planches du festival. La troupe du Théâtre de Bagdad nous revient en effet avec « O- Négatif », une performance d'une heure de théâtre dansé, présentée lundi dernier au 4e Art, mise en scène par Ali Daim et interprétée par lui-même et les comédiens danseurs Athir Isamail, Zaydoun Hachem, Mortadha Jabbar et Zeine Al Abidyne Ali. La pièce commence hors-scène avec des comédiens en costumes représentant différents métiers, entre fonctionnaires et artisans. Des gestes propres à chaque travail représentent l'idée de construction, d'évolution, avant que l'action ne se transporte sur la scène. Une action qui situe la planche en dessous de zéro pour symboliser la régression. La chorégraphie balance les corps au rythme des maux de l'Irak et de tout ce qui est « négatif » et qui ronge le pays. Les costumes changent à leur tour pour distribuer de nouveaux rôles. Deux corps recouverts d'argile représentent les Sumériens des origines et la Mésopotamie. La pièce leur accorde une place centrale et les questionne sur comment ils se sont transformés en des hommes tout de noir vêtus, jusqu'à dans leurs cœurs et leurs âmes. Elément central de la pièce également, un vieux manuscrit passe de main en main. Un symbole de texte sacré que chacun manie selon ses convictions et ses intérêts. Certains déchirent des passages, d'autres en rajoutent. Les pages omises ou greffées au texte original écrivent à la guise de leurs auteurs le destin et l'histoire de l'Irak. Et ce n'est pas mieux avec l'arrivée des nouvelles technologies... En proposant une lecture puissante de la situation de son pays, Ali Daim a réussi son pari de ne pas tomber dans la facilité et d'inciter à la réflexion. Une chorégraphie subtile et éloquente rejoint une mise en scène qui fait déborder la scène au-delà de l'espace et du temps, pour atteindre cette dimension universelle de l'art. L'absence de mots semble ici le meilleur témoin et le message est porté par le corps. Tout comme ses ancêtres, Ali Daim écrit ses idées avec des symboles et des formes... « Car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse ».