Par Rafik EL Herguem La colère manifestée par les agriculteurs de Jendouba, il y a deux jours, contre le ministère de l'Agriculture tourne autour du sujet de l'irrigation. Selon le groupe des fermiers, le ministère n'a pas fourni le quota de l'eau comme chaque année, alors qu'ils ont déjà semé les céréales et se sont mobilisés pour la saison. Le problème est que ces agriculteurs ne peuvent plus faire marche arrière et qu'ils risquent de grosses pertes. Mauvaise communication, deux poids deux mesures en ce qui concerne la politique de l'irrigation, on pense bien que le problème de l'agriculture est beaucoup plus complexe. Ça traîne depuis l'Indépendance, depuis la mise en œuvre des premières politiques économiques, où petit à petit, l'Etat tunisien a délaissé le secteur agricole au profit des expériences industrialisées ratées et qui ont mobilisé des ressources naturelles (terrains agricoles, irrigation, budgets d'investissement...). Jusqu'à aujourd'hui, tous les observateurs sont unanimes pour dire que nous avons besoin de redresser la barre et de recentrer les politiques agricoles. Par rapport aux textiles, au tourisme, aux industries lourdes et au secteur bancaire, l'agriculture reste le parent pauvre de l'économie tunisienne. Des preuves ? D'abord le fait d'importer des produits alimentaires (céréales par exemple) dans un pays qui peut , grâce à son potentiel énorme (terrains agricoles, qualité du sol, diversification du terroir, traditions, productivité) subvenir à tous ses besoins. D'où, le déficit inquiétant dans la balance commerciale alimentaire, ainsi que le manque à gagner dans l'exportation de certaines productions agricoles à forte valeur ajoutée. Pour des produits comme les dattes, l'huile d'olive, les fruits de mer, les cultures bio, les orangers, et d'autres produits agricoles, on est en mesure de faire encore mieux, vu la compétitivité et la qualité dont ils jouissent sur le marché européen. Il est temps, plus que jamais, de venir à l'aide des agriculteurs et des sociétés agricoles du moins dans les branches stratégiques. Code de l'investissement (beaucoup moins défavorable par rapport au secteur des services par exemple), irrigation (le problème de l'eau est un casse-tête qui explique la diminution de la production et l'augmentation des coûts), subventions (il ne faut pas subventionner seulement les branches exportatrices, mais aussi d'autres types de cultures en grande difficulté), dettes des petits agriculteurs en faveur des banques nationales (montants dérisoires par rapport à d'autres secteurs, comme le tourisme dont d'énormes dettes ont été rééchelonnées ou absorbées grâce à des subventions), le gouvernement est plus que jamais appelé (politiquement) à prendre la voie courageuse de revaloriser l'agriculture tunisienne. C'est un secteur clef qui crée une énorme valeur ajoutée, qui exporte, et qui fait partie des outils de sûreté nationale. Ça demande un petit examen des différents soucis et anomalies (surtout la dispersion des métiers agricoles et le nombre trop élevé des petits agriculteurs qui ont des difficultés de financement, production et commercialisation), et de la «générosité budgétaire» en faveur de ce parent pauvre de l'économie tunisienne.