Quand on lui demande qui elle est, elle raconte ses voyages. Elle peint avec les doigts, curieusement, et avec tout ce qui lui tombe sous la main, allumettes, angles du tube de peinture, couteau de cuisine, jamais de pinceaux. Est-ce de là que vient ce désir de terre qui saisit Véronique Engels lorsqu'elle est arrivée en Tunisie ? Peut-être, mais aussi, plus sûrement parce que la Tunisie est, pour elle, terre de la poterie, de la céramique, des émaux et des glacis. Quand on lui demande qui elle est, elle raconte ses voyages. Lassée d'un quotidien sans fantaisie, Véronique Engels décide un jour de prendre le large : le Maroc, la Jordanie, l'Inde où elle passe un an après avoir vendu sa maison pour pouvoir y vivre. Puis de nouveau le Maroc. Pas de carrière de peintre prédestinée, mais un dessin récurent qu'elle retraçait constamment et qui retient l'attention d'une amie. Celle-ci expose ses croquis dans une foire d'artiste, et ses dessins la suivent depuis toujours, sans cesse de retour et exposés partout où elle passe. Puis, elle décide de jeter l'ancre, au Maroc où elle s'installe, ouvre un atelier, et reste dix années. Jusqu'à la révolution tunisienne. Curieusement, celle-ci l'interpelle. Bien que n'étant jamais venue en Tunisie, elle y sent un bouillonnement, une effervescence prometteuse d'expériences artistiques passionnantes. Elle reprend son bâton de pèlerin, et s'installe au cœur du village de Gammarth. En Tunisie, elle se découvre le goût de la céramique, et entame des travaux sur des sphères que des artisans potiers tournent à Nabeul. Là, sans réelle formation, travaillant à l'instinct, elle fait son trou dans cet univers assez fermé. Elle réussit à se faire accepter des émailleurs, et collabore avec bonheur avec ces maîtres des pigments, des glacis, des coulures... Les boules de céramique, les plats sont des prolongements de ses toiles : «Des émotions exprimées», dira-t-elle. Avec peut-être en sus la surprise de l'inattendu en céramique, la joie intense ou la déception qui mène au bord des larmes quand on retire l'objet du four. L'exposition que présente Véronique Engels sur les cimaises de Musk and Amber s'est construite durant un an. Une année durant laquelle l'artiste a écouté les rumeurs du monde, s'en est imprégnée, pour mieux les restituer dans l'univers où elle nous invite à pénétrer. «C'est un espace exceptionnel. Ici mes œuvres respirent. Le spectateur peut créer son histoire personnelle. Il y a des vibrations d'âme à âme». Suivons-la...