Le président français, Emmanuel Macron, nous rend bientôt visite — n'ayons crainte des mots — à un moment fort délicat pour notre pays. Un moment, surtout, où l'économie tunisienne, plutôt en mal d'équilibre, a plus que jamais besoin de soutien, notamment (a fortiori) de la part du premier partenaire historique, culturel et économique qu'est la France La visite du président français, Emmanuel Macron, ne cache pas ses bonnes intentions. La France, à travers sa nouvelle présidence, veut rester l'allié principal de la Tunisie, en aidant à parer à ses difficultés financières actuelles, en défendant sa position auprès des instances internationales (cf. son récent appui dans l'affaire de la «liste des paradis fiscaux»), et en renforçant une coopération bilatérale qui s'affirme d'année en année en tous domaines, et tout particulièrement depuis 2011, au lendemain de la révolution. Cette visite, rappelons aussi, intervient quelques mois seulement (octobre dernier), après celle du Premier ministre Edouard Philippe, dans le cadre des «Rencontres Africa 2017», à l'occasion d'un «Haut conseil de la coopération» tuniso-français qui s'était conclu par la signature de plusieurs conventions intéressant spécialement les domaines de la technologie, de l'énergie, du soutien budgétaire à la gouvernance, aux réformes en matière d'entreprises, et d'autres encore à caractère spécifiquement gestionnaire et économique. Ce seront, très probablement encore, les priorités de la venue de Macron à Tunis, ce mercredi, et de sa rencontre avec les hauts responsables tunisiens. Mais en restera-t-on là ? Les arts et la culture attendent eux aussi beaucoup de la France et de la visite du chef de l'Etat français. Le rapport des deux cultures est séculaire. Il a précédé le protectorat. Il ne «rumine» pas de «revanche». Et depuis l'indépendance, il n'a cessé de perdurer et de se développer. Sous Bourguiba, de nos jours encore, la francophonie est restée un choix. Du côté de l'Hexagone, de même les initiatives réciproques et les échanges culturels et artistiques ont toujours prévalu. Et plus encore, ces derniers temps. Observons d'abord que depuis 2011, la Tunisie a été un des grands bénéficiaires de la restructuration du réseau coopératif international français. L'IFT (Institut français de Tunisie) est né à cette date avec pour objectifs, citons : - De développer les liens entre les sociétés civiles françaises et tunisiennes, - D'appuyer l'émergence du tissu associatif tunisien, - D'appuyer le processus démocratique et l'Etat de droit, Tout dans l'esprit des principes de la révolution. Mais encore et au plus précis : - De développer les échanges culturels entre la France et la Tunisie, - D'appuyer les transferts d'expertise entre le ministère tunisien et son homologue français, en particulier dans les domaines du cinéma, du livre, de l'édition. - De contribuer à la formation de techniciens du spectacle, d'archivistes, de restaurateurs du patrimoine, de scénaristes, etc. - De contribuer, également, à l'organisation des grandes manifestations en partenariat avec des opérateurs culturels publics et privés, principalement à destination des publics jeunes et des gouvernorats du pays. L'action de L'IFT, avec son «petit Carnot» de Tunis et de ses deux antennes de Sousse et de Sfax a, aujourd'hui, on peut le dire, intégré le quotidien culturel tunisien. Six années, à ce train et avec autant d'objectifs à atteindre, demandent, sans doute, à être évaluées. La coopération «en cours» mérite, ensuite, toute notre attention. On pense, en particulier, au projet de jumelage (en date de février 2017) entre notre ministère des Affaires culturelles et le ministère français de la Culture et de la Communication inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du programme d'appui au secteur de la culture en Tunisie, et financé par l'Union européenne. Un milliard d'euros de budget, et un projet prévu sur deux années, axé, foncièrement, sur les mécanismes de la politique culturelle et la décentralisation. Les «outils» auxquels travaille une centaine d'experts sont ceux dont les arts et la culture en Tunisie paraissent avoir le plus besoin. La culture, en Tunisie, souffre de quelques maux bien déterminés. Le manque d'argent semble irratrapable» pour l'heure. Le jumelage avec le ministère français pour la définition et les mécanismes d'une politique culturelle peut parfaitement nous en libérer la voie. La formation des cadres administrateurs de la culture est un des piliers du projet, on ne pourra qu'en sortir «meilleurs». Reste l'infrastructure. Nos amis experts français nous orientent vers la décentralisation. Il n'y a, peut-être pas mieux, pour répartir et enrichir la culture à travers un pays. Comment financer les équipements, toutefois ? Il n'y a pas de politique culturelle décentralisée sans les moyens de bâtir des lieux et d'acquérir des équipements. Le Haut conseil de coopération de février 2017 comportait une lettre d'intention de «soutien budgétaire aux réformes liées aux réformes de l'Etat». C'est ce que nos gens de culture, nos artistes et nos jeunes des gouvernorats attendraient, sans doute, le plus de la visite d'Emmanuel Macron : que ce texte (positivement) général soit adapté aux vrais besoins de l'art et de la culture dans leurs régions.