Au village artisanal de Den Den, situé à l'ouest de Tunis, une cinquantaine d'artisans exposent leurs créations dans l'indifférence du grand public. C'est derrière de grands murets blancs recouverts de mosaïques à la sortie du métro Den Den que se cache ce village artisanal. Créé en 2004, ce lieu accueille aujourd'hui 47 artisans du grand -Tunis qui y présentent quotidiennement leurs créations. Tissage, sculpture, peinture, menuiserie, et plus d'une vingtaine d'autres savoir-faire y sont représentés. Si le projet semble attractif, un silence presque sourd habite cet espace couvert de 2000m2. Les artisans travaillent leurs produits dans leurs boutiques, sans voir passer de clients. L'idée de départ était de mettre en avant l'artisanat pour le rendre plus attrayant mais l'emplacement du village ne semble pas attirer un large public. Chedly Ben Smida, spécialisé dans l'ajourage du bois, déplore ce manque de visibilité : «Les soucis pour moi, c'est la vente ! On a un grand atout mais qui n'est pas exploité». Après sa création, le gouvernement avait fait la promesse d'inclure le village artisanal au circuit touristique de Tunis mais les artisans attendent toujours les touristes. C'est ainsi que Makram Zitoun, souffleur de verre depuis 2001, a pris l'initiative, il y a un an, de réunir tous les artisans de Den Den, dans l'objectif de faire de la communication sur le village. Cependant l'activité de l'association ne semble pas être suffisamment efficace pour attirer la clientèle. Si pour Makram Zitoun, la vente de verres soufflés ne se porte pas trop mal, sa femme Khélidia note un désintérêt croissant pour les produits artisanaux depuis la crise : «Même si ça marche plutôt bien pour nous, on voit que depuis la révolution, il y a vraiment une détérioration du pouvoir d'achat et c'est inquiétant». L'artisanat tunisien souffre d'une conjoncture économique défavorable mais aussi d'une concurrence déloyale. Hédi Arfaoui fabrique, dans son atelier de Den Den, les fameuses cages de Sidi Bou Saïd alors que sont vendues sur les circuits touristiques des imitations faites en Chine et défiant tous les prix. Y faire face ? Chedly Ben Smida n'est pas optimiste : «Sous l'ancien régime, on avait ce qu'on appelle : la Socopa, une association gouvernementale qui commercialisait les produits artisanaux. Aujourd'hui le gouvernement ne fait rien». A 66 ans, Chedly a pris sa retraite pour devenir menuisier. Ce passionné autodidacte travaille le bois tous les jours, et même pendant l'Aïd. Si son métier est pour lui essentiel, il peine à en vivre : «L'artisanat, c'est comme un vieux que l'on doit aider à marcher. C'est un métier qui va être délaissé à cause des machines».