Le rapport de l'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (Atide) sur le premier jour du dépôt des candidatures pour les élections municipales tunisiennes de 2018 suscite crainte et méfiance Rendu public, hier, le document de cette ONG, signé par la présidente Leila Chraïbi, donne à lire des réserves émises par certains observateurs des 60 agents déployés dans différentes régions du pays. Si «la procédure de dépôt s'est déroulée dans de bonnes conditions, sans incidents notoires», avec la validation de 261 listes, dont 40% indépendantes, des défaillances ont été relevées quant à l'organisation et aux moyens logistiques. De ce point de vue, les atidiens et atidiennes dénoncent avoir été «confiné(e)s aux gradins des salles de sport et dans des lieux éloignés de la zone d'acceptation des candidatures». Ce qui les a «empêchés de suivre la procédure de manière adéquate». Ces anomalies entravant le travail des organisations de la société civile et affectant le principe de transparence ont été relevées à Jendouba, à Sfax, à Monastir et aux bureaux de Tunis 2, d'après le communiqué de l'Atide. A Bizerte et au Kef a été dénoncée l'absence de signalisation et de panneaux indiquant l'emplacement des centres de dépôt des candidatures. A Sfax 1 et à Médenine, la «mauvaise organisation» dans certains centres a occasionné une «situation quelque peu chaotique», selon la même source. L'autre défaillance se rapporte au traitement des dossiers et à la délivrance des reçus, caractérisée par une lenteur «atteignant dans certains cas plus de quatre heures pour un même dossier», tel était le cas à Tunis 1. Un chantier encore à ses balbutiements S'il y a une conclusion à tirer de ce premier constat, c'est que le chantier de la démocratie locale en est encore à ses balbutiements. Autrement, après deux scrutins parlementaires en 2011 et 2014, un scrutin présidentiel en 2014 et des reports répétitifs du scrutin local, l'élection des 7.212 élus à la tête des 350 municipalités semble être mal partie. En pâtissent, sans aucun doute, la gouvernance locale et le couronnement de tout un processus démocratique. Etant la dernière chance du pays pour se rattraper après tout un cumul de trébuchements, de faux départs et de fausses marches, les municipales doivent être organisées conformément aux standards requis. Dans ce sens, l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) est appelée à «renforcer l'encadrement et la supervision de ses agents en vue d'accélérer l'acceptation des dossiers de candidature et la diffusion des statistiques quotidiennes, afin d'augmenter la transparence du processus», lit-on dans le communiqué de l'ONG. L'Instance électorale est également invitée à faciliter le travail des observateurs et observatrices de l'Atide en leur allouant de meilleurs espaces et en leur permettant de se déplacer dans les centres. L'objectif étant de garantir une mission d'observation dans les règles. Se réveiller après un long sommeil municipal Toujours est-il que le scrutin du 6 mai 2018 approche à grands pas et que l'on se trouve aujourd'hui dans une course contre la montre. Alors que certains des principaux partis émettent réserve après réserve quant à la tenue prochaine du scrutin et pendant que l'électorat manifeste un grand désintérêt face à un persistant climat de manœuvres. Il est ainsi une réalité sociopolitique en Tunisie aujourd'hui: premièrement, on est loin de deviner, loin s'en faut, les défis et dangers qui menacent le devenir de la jeune démocratie tunisienne. Deuxièmement, si du côté de la scène politique, l'improvisation, les luttes intestines et les fissures sont là, du côté des populations, notamment de l'électorat, le marasme économique et social se veut dédoublé d'une crise de confiance. Dans de telles circonstances, que peut-on espérer d'un scrutin local entaché de carences? Si bien que l'on n'arrive toujours pas à se partager sur les mécanismes participatifs et le principe de la libre administration, pilier de la décentralisation. Voilà donc qu'après un long sommeil municipal, le coup d'envoi du dépôt des dossiers de candidatures aux prochaines élections municipales a été donné, jeudi, pour prendre fin le 22 du même mois. Reste à dire que la nature du commencement incite à se poser des questions : la Tunisie est-elle vraiment prête à organiser des élections municipales dans les règles de l'art dans deux mois? L'électorat sait-il à quoi sert un maire ou encore un conseil municipal ? La démocratie c'est le choix du peuple, mais que faire dès lors qu'une bonne partie du peuple peut, à défaut de lucidité, donner la victoire à des gens peu formés ? Ne risquerait-on pas, à défaut de se rattraper, de marcher longtemps dans le goudron ?