La crise du monde agricole et rural est systémique, relèvent les experts. Toutefois, on espère que les choses iront mieux dans les années à venir, notamment avec la mise en application du Code des Investissements de 2017, l'adoption en avril 2018 du Code des collectivités locales, les prochaines élections municipales, l'appui qui n'est plus à démontrer de l'Union Européenne à ce secteur dans notre pays. La Direction générale des Etudes et du développement agricole (Dgeda) relevant du ministère de l'Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche (Maprh) vient d'organiser le 3 mai à Gammarth un séminaire national interministériel sur le thème «Développement local et territorial en Tunisie: Enjeux et perspectives». Ce séminaire s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du programme d'actions pilotes (PAP) relevant du programme européen de voisinage pour l'agriculture et le développement rural (Enpard)/Tunisie, financé par l'Union européenne. Favoriser l'attractivité des zones rurales Réunissant les ministères du Développement et de la Coopération Internationale, du Développement local et de l'Environnement, du Tourisme, de l'Emploi, de la Femme ainsi que des bailleurs de fonds, le séminaire traite des nouvelles approches de développement agricole et rural pour tirer les leçons des expériences de développement territorial des dernières années. Le principal objectif est de partager l'expérience de programmes territoriaux de développement rural fondée sur plusieurs secteurs: développement économique, culture, tourisme et agriculture avec une approche ascendante et participative. En dépit des efforts consentis, de l'amélioration des conditions de vie, le déséquilibre persiste entre les zones rurales et les zones urbaines, admet Abdelhalim Guesmi du ministère de l'Agriculture qui a appelé à appuyer les programmes de développement durable dans les régions défavorisées par le biais du freinage de l'exode rural, le financement de micro-projets, et l'amélioration des conditions de vie dans ces zones. Il a rappelé que le programme PAP-Enpard contribue à la conception d'une stratégie nationale et agricole qui tend à améliorer de manière durable et soutenable les conditions de vie des populations rurales et renforce la sécurité alimentaire du pays. Ce programme vise aussi à améliorer, par la mise en œuvre d'actions pilotes, l'attractivité des territoires ruraux en valorisant durablement les ressources locales agricoles et non agricoles au bénéfice de l'insertion économique et sociale des groupes les plus vulnérables. L'approche citoyenne Mohamed Elloumi (chercheur à l'Institut national de recherche agronomique de Tunis, Inrat) a fait savoir que la crise du monde agricole et rural est systémique, évoquant dans ce contexte la paupérisation des agriculteurs et des ouvriers agricoles et des régions à dominantes agricole et rurale, ce qui a engendré une double fracture est/ouest, urbain/rural, ainsi que la faible attractivité des espaces à dominante rurale. Le développement territorial peut-il être une alternative ou constitue-t-il un correctif des effets pervers du modèle de développement dominant ? S'est-il demandé lors de son allocution. «L'approche territoriale ne doit pas rester l'apanage d'un cercle restreint (décideurs, experts, techniciens et élus).Elle doit être à la portée des citoyens .Il est impossible de déclencher ce type de processus de façon technocratique ou bureaucratique», ajoute M. Elloumi. Des success-stories dans le cadre de cette coopération existent comme en témoigne le projet tuniso-danois se rapportant au «développement économique et création d'emplois dans le secteur laitier tunisien au gouvernorat de Béja».Ce projet est présenté par Besma Ben Youssef, directrice régionale par intérim de Beja relevant de l'Office de l'élevage et des pâturages. C'est un projet structurant et innovant, financé par le ministère des Affaires étrangères danois (5.8MD), et qui ne cesse de s'accroître d'une année à l'autre, explique-t-elle. L'apport de l'Union européenne M. Denis Reiss, Attaché de Coopération Agriculture et Pêche au sein de la délégation de l'Union européenne en Tunisie, a tenu à remercier le programme de jumelage avec les ministères français et italiens pour leur soutien à l'organisation de ce séminaire. Il a souligné le contexte particulièrement favorable à l'approche territoriale avec la mise en application du Code des investissements de 2017, l'adoption du Code des collectivités locales, les prochaines élections municipales. En ce qui concerne le projet PAP-Enpard, il a évoqué les nombreuses synergies à développer, ne serait-ce qu'avec les initiatives financées par l'Union européenne. Le représentant de la délégation européenne a parlé dans ce contexte du Programme de relance de l'investissement et de modernisation des exploitations agricoles (Primea) ainsi que du programme d'appui à la compétitivité et aux exportations (PACE). Un appui budgétaire est accordé aux ministères de l'Agriculture, du Commerce et de l'Industrie de l'ordre de 50M€ et 6 millions d'euros d'appuis complémentaires pour soutenir, avec la FAO, les services vétérinaires et phytosanitaires dans leurs plans de lutte contre les principales maladies animales et végétales en conformité avec les normes internationales. M. Denis Reiss a aussi évoqué le programme d'appui aux zones défavorisées pour un montant de 20 millions d'euros qui comprend un projet de «création d'emplois et accompagnement à la réinsertion en complétant le dispositif de l'Etat», mis en œuvre par le Bureau International du Travail, ainsi qu'un appui aux communes et au développement de la microfinance dans les 5 gouvernorats de Gafsa, Kasserine, Le Kef, Sidi Bouzid et Siliana. Il a cité d'autres initiatives financées par l'Union Européenne, dont le programme «Irada» (Initiative régionale d'appui au développement économique durable) d'un montant de 32 M€ et dont les plateformes de dialogue public-privé de 8 gouvernorats (Bizerte, Jendouba, Sidi Bouzid, Sfax, Gabès, Médenine, Gafsa, Kasserine) développeront des plans d'action pour le développement des filières économiques prioritaires.