Par Hatem KOTRANE* Comment tenir les promesses, rendre nos villes plus vivables et relever le défi de l'urbanisation à l'heure où la population tunisienne est devenue essentiellement citadine et où nos villes deviennent les lieux privilégiés du mal-développement, de l'exclusion sociale et de la pauvreté ? C'est à l'aune de cette question cruciale que les conseils municipaux élus dimanche 6 mai devraient maintenant s'atteler. L'heure n'est plus à lancer des promesses ou des mots d'ordre, mais à mettre en œuvre des actions intégrées permettant un encadrement des espaces habitables et participant ainsi à donner aux extensions urbaines un visage humain en donnant la priorité à la préservation de l'équilibre entre l'extension urbaine, l'exercice des activités économiques et la protection des éléments et sites naturels et en axant sur la satisfaction de besoins croissants en matière d'emploi, de logement, de santé, d'éducation, d'accès aux activités culturelles et sportives, de préservation de l'environnement. Autant de défis qui supposent une volonté politique — à peu près inexistante aujourd'hui — soucieuse de rendre nos villes plus vivables, de remédier à la crise urbaine et aux inconvénients majeurs engendrés par le développement dans la plupart de nos villes, des constructions anarchiques et de favoriser, en même temps, une action soutenue d'intégration de zones entières et leurs habitants dans le circuit économique et social en évitant, ainsi, ce qu'il est convenu d'appeler dans d'autres pays « l'apartheid social » et qui est matérialisé par une ségrégation spatiale qui crée de véritables frontières à l'intérieur des agglomérations ! C'est à ce prix que la Tunisie pourra réaliser l'un des 17 Objectifs de développement durable (ODD), qui doivent être atteints par tous les Etats membres de l'ONU d'ici à 2030, à savoir l'Objectif n°11, appelant à « Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables », une attention particulière devant être accordée aux besoins des personnes en situation vulnérable, des femmes, des enfants, des personnes handicapées et des personnes âgées. En finir avec l'exclusion sociale et aller toujours de l'avant en vue de transformer les villes en espaces producteurs de cohésion sociale devrait être au cœur de l'action des conseils municipaux élus au suffrage universel, et ce, moyennant une prise de conscience générale quant aux risques liés à l'urbanisation croissante de la pauvreté. Le rôle de la société civile est, à cet égard, important. Les associations devraient, en effet, être plus largement implantées dans les quartiers défavorisés en vue de mener ou de s'associer à des actions de développement intégré, y compris celles axées sur la formation professionnelle et l'emploi ou, plus spécialement, les programmes de prévention de certaines formes de délinquance et de marginalisation chez les jeunes qui accompagnent, inévitablement, un développement non maîtrisé de centres urbains défavorisés. D'autres pistes sont ouvertes à l'action des conseils élus, des associations et des citoyens dans leur ensemble, y compris les enfants et les jeunes, dont au premier chef la prévention des troubles à l'environnement, la préservation des villes et leur embellissement, ainsi que l'amélioration de l'habitat en faveur des familles vivant des conditions peu décentes. « Les archéologues, les historiens et les ethnologues s'attachent essentiellement à la structure et à l'organisation d'une cité pour reconstituer son passé et expliquer son présent » (Michel Prieur, Droit de l'environnement, Précis Dalloz, p. 955). Rendre nos villes plus vivables a été, sans doute, au-devant des attentes des électeurs qui jugeront les conseils élus et leurs capacités réelles à tenir leurs promesses. Les citoyens ont voté. Les citoyens vous jugeront. * Professeur à la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis