A El Teatro, mardi 26 juin, s'est tenue une conférence de presse en présence d'artistes et de représentants d'espaces scéniques en réaction à ce qu'ils qualifient d'«inégalité et injustice de la répartition de la subvention de fonctionnement accordée par le ministère à ces espaces». La conférence a été organisée par la direction d'El Teatro avec Taoufik Jebali et Zeyneb Farhat. Cette dernière nous a accordé cet entretien. Quelles sont les véritables raisons de ce «coup de gueule» contre le ministère de la culture pendant la conférence de presse tenue mardi 26 juin à El Teatro ? Les directeurs et directrices des Espaces dramatiques indépendants (EDI) sont trop occupés à gérer leur quotidien fait de soucis financiers et leurs rêves en artistes pour gâcher leur temps et énergie pour des pacotilles ! Ce «coup de gueule» est un fed up du dédain insupportable avec lequel le ministère des Affaires culturelles ne cesse de traiter notre apport dans la Cité ! Nous avons eu à «lire» le tableau de l'octroi des subventions de fonctionnement et d'équipement accordées aux EDI et là il y a une réelle exagération. Pourquoi ? En fait, non seulement le ministère «viole» ses propres critères d'octroi établis depuis 1986, mais aussi, il ne tient nullement compte des propositions actualisées, présentées par le Syndicat libre des espaces scéniques indépendants qui sont réalistes, transparentes et en accord total avec les lois du travail et qui ont été longuement discutées pour une seule préoccupation : la pérennité de ces espaces. A lire les décisions de «la Commission d'octroi des subventions», très opaque, ni les critères de 1986 ni les propositions de 2018 n'ont été respectées ou étudiées ! Dans ses déclarations lors de ses conférences de presse, le ministre répond à vos propos par son souci de « bonne gouvernance» et «équité régionale». En revenant à nos archives, El Teatro, 1er espace indépendant pour l'art et la création, fondé en 1987 par l'artiste de théâtre Taoufik Jebali, finit toujours par avoir des «accrocs» allant de la censure à la mise en garde par la police ! Les 22/26 ministres de la Culture ayant siégé à La Kasbah n'ont jamais compris que dialoguer, écouter, négocier avec les partenaires artistiques est une nécessité et non un choix ! Répondre aux revendications honnêtes et citoyennes des artistes, pour une gestion transparente des fonds publics, est de leur devoir, El Teatro n'a pas parlé lors de ce point de presse en son propre nom. Nous avons refusé un «accord souterrain» avec le ministère car la solution n'est pas individuelle mais se doit d'être collective ! A voir le tableau de l'octroi des subventions, il nous est libre de constater que «le copinage», pour ne parler que de cela, trace les lignes financières ! De quelle bonne gouvernance parle-t-on ? Dire qu'il y a 700 mille dinars à répartir entre les 41 espaces est une réalité. Mais voir les inégalités entre les espaces, les régions et leurs besoins respectifs est une honte ! Rien n'a été respecté des allégations du ministre des Affaires culturelles ! Sinon qu'est-ce qui l'empêche d'étaler publiquement les critères de répartition des subventions ? Un espace qui a ouvert l'an dernier à Tunis a bénéficié de 30.000 DT, alors que d'autres, situés en dehors de Tunis, et qui existent depuis des années, comme Sbeïtla, Sousse, Kalaâ Kébira, Médenine, Gaâfour et bien d'autres, on leur «jette» des sommes entre 10 et 20.000 DT ! Remarquons que si le ministre de la Culture porte des soupçons sur notre intégrité en tant que gestionnaires d'espaces contestataires, nous ne nous concentrons pas sur sa personne, mais sur tout le fonctionnement occulte et opaque de ce ministère depuis des décennies. Nous sommes pour « la théorie de rupture», chère au grand Me Vergès !!!! Et le programme des Cités des arts ? Ce sont des budgets supplémentaires pour ce même problème de fonctionnement !!! C'est un tour de magie et de communication raté ! Je vous explique pourquoi : un grand budget est dépensé dans ce programme «Cité des arts». Comme tous les autres, El Teatro a présenté un projet «5/5» auquel ont été accordés 30.000 DT (et non 20.000 comme ne cesse de le répéter monsieur le ministre !) Notre projet est sous forme de caravanes de 5 jours, dans 5 gouvernorats et en 5 ateliers, c'est donc une grosse production avec les cachets pour les artistes et les techniciens, leur transport, leur matériel, leur prise en charge en séjour, etc. Eh bien, ces 30.000 DT sont comptés dans la subvention de fonctionnement ! Est-ce à dire que nous nous devons de dévoyer cette somme de 30.000 DT vers le fonctionnement ou de voler nos partenaires en réalisant le projet 5/5 sans les payer ??? Dès le 20 juin, nous avons envoyé une lettre officielle au ministre et ses directeurs (avec décharge) leur annonçant la rupture de la Convention avec «la Cité des arts». Pour nous, c'est un refus de tomber dans le «piège maléfique» de brouiller les cartes en termes de gestion des deniers publics. A noter que Monsieur le ministre ne cesse de compter ces 30.000 DT dans ses déclarations pour nous décrédibiliser. Est-ce sérieux ? Aussi, si El Teatro a refusé les fonds de ce programme, l'on ne peut demander le même «sacrifice» aux autres espaces en dehors de Tunis, qui peinent à garder leurs espaces ouverts ! Car hélas, 2 espaces ont déjà fermé pour des raisons financières et 2 autres sont en alerte rouge ! Comptez-vous réellement porter vos doléances à la Cour des comptes et au 1er ministère pour mauvaise gestion de la part du ministère des Affaires culturelles? Oui et fermement ! Deux hommes de loi y travaillent. Et la clarté est de mise : nous sommes des espaces citoyens, nous payons nos impôts. Nos espaces sont des entreprises économiques qui assurent de l'emploi direct, techniciens et gérants, et indirect pour les productions qui s'y montent ! Il est temps que les institutions étatiques : inspection du Premier ministère, Cour des comptes, etc., voient de près les dépenses de notre ministère de tutelle. Nous ne sommes plus à l'ère «des bourses d'or jetées par les sultans» ! Un état des lieux se doit de reprendre totalement et à la loupe les dépenses de chaque ministère, et ce, en totale indépendance des circuits louches connus de tous et toutes ! Une autre de nos revendications (qu'elles soient individuelles ou syndicales) est la publication de l'inventaire des équipements son, lumière et accessoires, dans le respect de la loi du droit à l'accès à l'information et de proposer une loi qui ouvre leur utilisation pour les espaces privés et pas seulement publics, même si des espaces privés en ont déjà disposé ! A notre sens, il est urgent que les artistes effectuent un sursaut ! un sursaut en tant qu'artistes, mais aussi en tant qu'espaces et animateurs tous genres confondus, privés et publics. Il est de notre devoir de nous organiser en reprenant les études et les propositions pour installer un nouvel ordre culturel et une nouvelle politique culturelle nationale qui n'a pas bougé depuis... 1982 !!!!!!!