Par Khaled TEBOURBI Intéréssant, le coup de gueule de Hédi Oueld Baballah, mercredi 5 à « Klem ennass ». Pas tant pour les vérités amères clamées à propos de la culture et de l'absence de politique de la culture; celles- là, avouons, sont tellement évidentes qu'elles finissent, tôt ou tard, par lasser. Non, mais parce que, un peu dans « le sillage », un peu par « ricochet », l'humoriste aura dit mieux,incomparablement mieux. Il a rappelé, d'abord, à un parcours (le sien) « jamais quémandeur », « jamais dépendant des subsides de la tutelle ». Puis, il est passé au plus important,croyons- nous : à ce que nombre de sociétés artistiques «endurent» en s'occupant, seules, de produire pour le marché. Le nombre de ces boîtes retient. Ajoutons-y les espaces qui poussent ici et là, toujours à titre privé, depuis la révolution. El Teatro, Mad'art, El Hamra, Ken, deux à trois autres anciens,ne font plus l'exception. La question d' «endurer », d'affronter, seul, les difficultés du marché n'est pas aussi primordiale à nos yeux; pas comme le laissait entendre le «coup de gueule » de Hédi Oueld Baballah, en tout cas. Tout l'intérêt de la chose, pour nous, est que dans ce pays où le gros des arts et des lettres vit depuis des décennies «sous perfusion » de l'argent public,des «solitaires ,des indépendants, foncent , volontiers, dans l'aventure du spectacle. D'aucuns s'en sortent plus ou moins ;une minorité certes encore(Dhouib, le Mondial, le Rio, l'Agora, etc.),mais qui montre déjà l'exemple, en quelque sorte, suscite l'élan. D'autres peinent ou périclitent (un tas), les financeurs ne courant pas les rues. Tous, cependant,sont animés par le même sentiment : qu' y aller de soi-même ,de nos jours,vaut mieux que s'accrocher à une assistance modique, précaire, de moins en moins « fondée et crédible » de l'Etat. Assistance modique, n'en parlons plus. Le ministère a beau promettre, les ministres ont beau changer, se relayer, ils n'iront jamais au-delà de ce que leur permettent leurs « éternels » petits budgets. Précaire ?Simple :parce qu'elle n'est pas forçément continue. Tout dépendra,parfois,de la «tête du client »;et, souvent, de « l'humeur » d'une commission au moment de l'examen d'un dossier. Infondéé et injustifiée,enfin :l'essentiel du problème est là. Il se passe ,en fait,que comme il n'existe pas de politiques culturelles préalablement tracées, fixées, planifiées, toute action entreprise est forcément à motifs et à objectifs variables. Le « hic » dans les subventions de la culture, en Tunisie, est, précisément,dans la dispersion des critères, des normes,des évaluations, des jugements,des décisions. Pas de principes directeurs, pas de stratégie,pas d'orientation en amont. Beaucoup d'injustices en résultent,beaucoup de suspicions,de controverses,de contestations. Au bout du compte,il y a énormément d'argent qui part « à vau-l'eau ».Ou parce qu'on s'est trompé de « destinataire »,ou,pire,parce que des œuvres lourdement subventionnées ne trouvent plus preneurs dès après leurs premières apparitions. Conséquence, on le voit :de plus en en plus d'artistes prennent « la tangeante ».Ils comprennent que côté culture,à plus forte raison(ailleurs comme içi), l'Etat providence se désengage à vue, rétrécit comme peau de chagrin. Conséquence encore, mais positive à notre avis, nonobstant les coups de gueule, les ras-le- bol, les difficultés :c'est que tous ces solitaires,tous ces indépendants,tous ces aventuriers sont peut-être en plein dans le remède. Dans ce monde mondialisé, ultra libéralisé, les arts et la culture, n'ont(hélas ?) d'autre alternative que courir, seuls !, les risques du marché.Qu'endosser et assumer leur nouveau statut « marchand ». Evidemment, cela réussit mieux en France, en Europe ou aux Etats-Unis; là où les sponsors et les mécènes, les réseaux de diffusion,y trouvent largement leur compte.Mais des études et enquêtes en Tunisie montrent que l'intégration des arts au circuit économique est une réelle potentialité. Il y a déjà des exemples,on le sait. Il y a, aussi, un début de législation :une loi sur le mécénat qui attend seulement la confiance des entrepreneurs ;un statut de l'artiste qui attend confirmation. Un partenariat public privé « à portée »déjà. Quelques sponsors ,de même,des mordus,Dieu sait comme on en a besoin. Il y a ,surtout, l'énergie, la dynamique et la détermination d'une génération de jeunes dont le regard scrute loin,à mille lieues de la réthorique creuse d'il y a une époque,et d'une administration culturelle volontaire, peut-être,idéaliste, paternaliste, mais n'ayant ni moyens ni prise réelle sur demain.