Pendant neuf jours, du 3 au 11 août, les participants au 22e salon international de la bande dessinée de Tazarka (Sibdt) ont baigné dans une ambiance unique où le neuvième art a été une pratique, une découverte, un état d'esprit et une motivation. Les petits ont créé leurs premières images, dessiné, photographié ou filmé, et les grands ont exposé, débattu et donné vie par leurs coups de crayon et leur créativité à des bulles de dessin qui augurent de nouvelles histoires à imaginer et à concrétiser. La grande histoire est celle d'une petite ville qui réussit à décentraliser les regards pour braquer l'attention sur un art dont la contribution au foisonnement artistique du monde arabe mériterait plus de mise en lumière, par la lecture, l'exposition, la réflexion et la transmission aux nouvelles générations. Tac o Tac et hommage Symbolisant cet esprit, la clôture a eu lieu au local du club de l'environnement de Tazarka, où le public de la ville et les invités du Sibdt ont pu, d'un côté, découvrir les travaux des enfants à l'issue des ateliers, et, de l'autre, assister en direct à un tac o tac entre les bédéistes invités de différents pays du monde arabe. Chacun devant rebondir sur le dessin de celui qui l'a précédé, les artistes ont créé une mini BD qui met en scène Tazarka, ses flamants roses, Saïd la mascotte du festival et les scarabées dont regorge la ville à cette époque de l'année (les petites bêtes se sont invitées au Sibdt et créé de l'animation!). La dernière planche a été signée Sabri Kasbi, le créateur du personnage de Saïd et illustrateur de l'affiche de cette édition du salon. Il s'en est inspiré pour rendre de nouveau hommage au fondateur du festival, Abou-Seoud Messadi, parti vers un monde meilleur en janvier dernier. Comme sur l'affiche, il l'a dessiné au bord de la plage de Tazarka en train de lire une BD, cette fois celle créée durant le tac o tac. La 22e édition du salon international de la bande dessinée de Tazarka a rendu comme il se doit hommage à celui qui l'a porté depuis le début. Ses enfants ont ouvert ses archives au public pour une exposition hommage qui s'est tenue durant toute la durée du festival, dans une maison familiale transformée en véritable galerie. Manuscrits, photos souvenirs et objets personnels retracent la vie bien remplie qu'il a vécue, sa passion pour l'art et son militantisme politique. Une partie a été consacrée à des œuvres créées par des membres de sa famille, par des amis ou des artistes et dédiées à sa mémoire. Plus que tout, cette édition a réussi à mettre en avant le 9e art et son rôle social, dans le monde arabe et ailleurs, et montré la pertinence de lui consacrer une manifestation sous nos cieux. Une scène pour la BD arabe C'était le propos au dernier Sibdt et il y avait de quoi. Il se passe quelque chose sur la scène de la BD arabe et le festival a su accompagner et fédérer les artisans de cette dynamique grâce aux différents volets de son programme, dont une exposition de 110 planches des principaux collectifs de bande dessinée et bédéistes arabes (Skefkef du Maroc ; Tok Tok et Garage d'Egypte ; Comics for Syria ; Selim Zarrouki d'Algérie ; Lab 619, Seifeddine Nechi, Gihen Ben Mahmoud, Sabri Kasbi, Othman Selmi et Yassine Ellil de Tunisie) ainsi que d'artistes espagnols, dont les œuvres sont traduites en arabe et présentées par la fondation Al Fanar. Cette institution fait également partie des initiatives qui contribuent à donner de la visibilité en Occident à la production artistique arabe par la traduction. Le Sibdt a été l'occasion de présenter des exemples de ces initiatives, comme celle des éditions Alifbata à Marseille où Simona Gabrielli publie des BD arabes traduites en français, et la «Mut'az and Rada Sawwaf Arab Comics Initiative» dirigée par la professeure et bédéiste libanaise Lina Ghaibeh à l'université américaine de Beyrouth, et qui consiste en un pôle de recherche et d'archivage de la BD arabe. Simona Gabrielli et Lina Ghaibeh en ont parlé lors de la table ronde autour de l'histoire de la bande dessinée dans le monde arabe organisée le 10 août à Tazarka, aux côtés de l'universitaire, critique et bédéiste libanais George Khoury qui a lancé dans les années 70 l'un des premiers collectifs de BD arabe, Jad Workshop, et qui est intervenu sur les débuts et caractéristiques du 9e art dans la région, et du chercheur Enrique Klaus qui a consacré son intervention aux nouvelles tendances de la BD maghrébine. Le lendemain, une deuxième table ronde animée par les tunisiens Lassaad Ben Hassine, Hichem Chebbi et Hedi Abdi a abordé des questions liées à l'éducation à l'image. Le tout à l'école primaire Sidi Belhassen, où ont eu lieu les ateliers pour enfants et a été installé tout au long du festival un concept store pour vendre des numéros de BD tunisienne et arabe et des publications autour de la BD. Le programme du Sibdt n'en avait pas que pour le 9e art. Le cinéma et la musique étaient de la partie avec des projections, entre autres, de films d'animation, et des concerts en ouverture et en clôture. Après le mémorable tac o tac, les festivaliers se sont dirigés vers la plage où les attendait l'auteur-compositeur-interprète Yasser Jeradi, accompagné en plus de sa guitare par le trompettiste Moncef Ben Messaoud. Un duo instrumental qui a apporté une touche nouvelle aux chansons de l'artiste. Ses titres phare, dont «Dima dima» et «Chbiki nsitini» et ses reprises d'artistes tunisiens comme Les colombes avec «Al chaikh al saghir» et internationaux comme Jacques Brel avec «La chanson des vieux amants» ont emporté le public qui a passé un bon moment et n'a cessé d'en redemander. 2018 et après ? Même s'ils ont offert aux festivaliers un programme pertinent et joliment concocté, les organisateurs du Sibdt — entre les membres du Cercle des amis de l'image, leurs partenaires et les jeunes bénévoles —, ont vécu un véritable challenge organisationnel. Pour cause, le manque de moyens financiers et une équipe réduite, nous explique le responsable communication du festival et son partenaire créatif, Amen Allah Ouakajja (aka BLITS.) Pour y remédier, l'équipe va se lancer dès le lendemain de la 22e édition dans la recherche de sponsoring et la sollicitation des institutions publiques pour soutenir le Sibdt, nous informe-t-il. Il en est de même pour les volets du programme de la prochaine édition, à laquelle l'équipe pense dès maintenant, avec pour principal objectif d'attirer plus de monde et plus d'habitants de Tazarka. «Pour l'année prochaine, nous songeons à exposer les BD dans plus d'un lieu de la ville, à l'image du festival d'Angoulême et des initiatives instaurées par le collectif «Skefkef» à Casablanca, annonce le responsable communication du Sibdt. Les ateliers seront à leur tour repensés pour inclure les professionnels, avec des workshops ou résidences pour les artistes qui veulent se convertir à la bande dessinée. Tout un programme qui donne envie d'y être en 2019, on l'espère dans les meilleures des conditions ! Equipe du SIBDT : Anis Messadi - Coordination générale Seif Eddine Nechi - Directeur artistique Amen Ouakajja - Communication/Creative Partner/Blits. Rabeb Khamassi - Secrétaire générale Wassim Ghozlani - Membre organisateur/Maison de l'image Amine Messadi - Commissaire d'exposition Abou Seoud Nahed Nechi - Coordination atelier Chedly Belkhamsa - Membre organisateur Youssef Elkefi - Membre organisateur Wissem Mzoughi - Logistique Imed Zahraoui - Logistique