Par Jalel Mestiri Le thème de notre dossier, «Y a-t-il encore des clubs formateurs dans le football tunisien ?», paru dans notre édition du lundi 24 septembre 2018, fait encore débat. Les avis et les réactions ont poussé les différentes analyses au-delà des clubs pour aborder directement le modèle tunisien, qu'on surnomme la catégorie de l'élite. Un modèle qui, de par les suggestions avancées ici et là, n'est plus capable de favoriser des alternatives aux joueurs, et encore moins leur faire gagner du temps et des opportunités. La conclusion à laquelle nous sommes arrivés est que ledit modèle dans la formation des footballeurs, leur accompagnement et leur épanouissement, navigue à contre-courant. Les horizons manquent pour la plupart des joueurs issus des catégories des jeunes. Ne pouvant souvent aller jusqu'au bout et intégrer les seniors, ils se perdent et s'arrêtent à mi-chemin. Au mieux, ils passent dans des clubs loin de leurs ambitions et dans lesquels ils finissent souvent par sombrer. Aujourd'hui, la réussite d'un footballeur émerge d'une sorte de miracle au quotidien. Elle doit être non seulement l'expression d'un parcours, mais aussi d'une continuité et d'une rupture entre ce qui précède et ce qui devrait se construire. Il ne s'agit plus de questionner les réussites comme les échecs, de tenter d'en comprendre les ressorts internes, les leviers, les enjeux. Mais plutôt de favoriser l'optimisation extrême de presque tous les paramètres et les critères de sélection et d'élimination. Les contraintes économiques, l'impératif de résultat, l'exhibition de prototypes humains et de champions font sens d'un sport obsédé de plus en plus par le devoir, mais aussi les aléas, de performance. Faute d'éducation sportive, le sens exacerbé des uns et des autres, souvent surmultiplié par le milieu ambiant, a transformé ce qui n'était qu'un sport, en moyen d'expression des réactions les plus inconséquentes. Cette obsession irrigue des enjeux anti-sportifs, souvent au-delà de ce qui est permis. Il y a de ces traditions qui sont difficilement explicables. Si l'on part du principe que le football est surpassement et don de soi, il n'est en rien interdit d'ouvrir les horizons et de penser à l'avenir bien plus qu'à l'immédiat. Mais les choses sont loin d'être aussi simples. Si on concède que l'avenir des joueurs est de plus en plus compromis, on regrette que certains soient passés tout simplement à côté d'une grande carrière, tout simplement en raison de l'absence de suivi et d'accompagnement. Pareille déficience ne reflète pas seulement les exigences qui empêchent un jeune joueur d'accéder à un palier supérieur, mais elle traduit une démarche caractérisée dans tout ce qui a rapport à la privation, aux insuffisances et au renoncement. Face à une population footballistique en mutation constante, l'on ne sait plus comment entretenir les joueurs, encore moins comment développer les structures de formation les plus conséquentes. Dans la gestion des carrières, dans les choix stratégiques, dans la mise en place des dispositions sportives, beaucoup de choses sont encore à faire. Néanmoins, la logique serait de crédibiliser les projets et les stratégies élaborés sur le plan technique. La gestion des différentes étapes est un axe important qui se prépare à long terme et carrément sur des cycles.