Par Jalel Mestiri Il y a de ces «traditions» qui sont facilement explicables. Si l'on part du principe que le football est surpassement et don de soi, il n'est en rien interdit d'ouvrir les horizons et de penser à l'avenir bien plus que l'immédiat. Les choses sont cependant loin d'être aussi simples. Dans tout ce qu'un joueur de football est censé entreprendre, assumer et accomplir, il y a toujours un mélange d'idéal et d'imparfait. Le culte de la performance a fait entrer brutalement l'esprit de sélection et d'élimination presque dans toutes les catégories par lesquelles le footballeur passe. Dans un monde où le football a pris une nouvelle vocation, l'avenir des joueurs a pris lui aussi une nouvelle tournure. Ils sont bien rares ceux qui parviennent aujourd'hui à se frayer un chemin vers les seniors. La plupart du temps, cela n'est plus de leur ressort. On ne peut être bon et performant que dans ce qu'on sait faire. Mais beaucoup de joueurs sont curieusement passés à côté d'une grande carrière. Le modèle tunisien, qu'on surnomme l'élite, n'est plus capable de favoriser des alternatives aux joueurs, et encore moins leur faire gagner du temps et des opportunités. Il y a aujourd'hui de plus en plus cette tendance à oublier le bases et les fondamentaux sur lesquels repose le football. Tenir aujourd'hui une «comptabilité» sur les dérives engendrées par l'indisposition à donner aux techniciens et aux joueurs le temps et les meilleures conditions de réussite, les manquements et les erreurs avérées, ce qui aurait pu être accompli, ce qui risque encore de compromettre les parcours des uns et des autres, relève d'un exercice de haute voltige. Les horizons manquent pour la plupart des joueurs issus des catégories des jeunes. Ne pouvant souvent aller jusqu'au bout, ils se perdent et s'arrêtent à mi-chemin. Au mieux, ils passent dans des clubs loin de leurs ambitions et dans lesquels ils finissent souvent par sombrer. Aujourd'hui, la réussite d'un footballeur émerge d'une sorte de miracle au quotidien. Elle doit être non seulement l'expression d'un parcours, mais aussi d'une continuité et d'une rupture. Les contraintes économiques, l'impératif du résultat, l'exhibition de prototypes humains et de champions, font sens d'un sport obsédé de plus en plus par le devoir, mais aussi les aléas, de performance. Cette obsession irrigue des enjeux antisportifs, souvent au-delà de ce qui est toléré. Face à une population footballistique en mutation constante, on doit aujourd'hui savoir entretenir les joueurs et développer les structures de formation les plus conséquentes. Si on concède que l'avenir du football tunisien devrait être mieux pris en compte, on regrette qu'il ne favorise plus la plénitude et l'éclosion souhaitées. L'idée est, bien entendu, d'avoir une équipe qui gagne et d'instaurer une dynamique de résultats. D'ailleurs, on a beau vouloir s'inscrire dans une alternative de travail à long terme, d'investissement et d'investigation futuristes, les bonnes décisions font toujours défaut et les coups d'arrêt se multiplient. Résultat : on oublie et on confond les véritables besoins et impératifs sportifs, notamment sous l'effet d'arguments erronés. On continue encore à se tromper de choix et de priorités. Si les problèmes liés aux mauvais résultats, comme ceux notamment des sélections des jeunes, sont connus par tous, les alternatives ne le sont réellement pas...