Quand le formidable corps clubiste se mobilise, la personnalité et la singularité de chaque maillon de la chaîne s'effacent le temps d'un match au profit de l'élan grégaire. Cette masse humaine transcende les acteurs clubistes du jeu tout en mystifiant des adversaires qui devaient fatalement tomber ! Saber Khelifa, Tijani Belaid mais aussi probablement Nader Ghandri, ces ex-joueurs du Club Africain pensent sérieusement à réintégrer le «bercail» clubiste en ce moment même. Qu'est-ce qui les motive en ce sens ? Qu'est-ce qui les pousse à tendre de nouveau la main à un CA passé par des moments difficiles cette année ? Bref, pour quelles raisons ont-ils récemment déclaré leur flamme de nouveau ? Pour comprendre cette tournure, il faut tout d'abord analyser le phénomène clubiste sous toutes ses coutures, à commencer par aborder la passion qui entoure le club de Bab Jedid. Touché mais jamais coulé, le CA a forcément du répondant. Il ne s'exprime jamais mieux que quand il est acculé dans ses derniers retranchements et placé devant ses responsabilités. Car en début de saison, les missives de la CAF, les menaces de la Fifa, les dettes abyssales héritées et les mauvais résultats sportifs n'ont fait que placer le curseur «en vigilance orange» comme on dit. Certains n'hésitaient même pas à dire qu'un bastion du sport tunisien risquait de tomber ! C'est mal connaître l'un des doyens du football tunisien, un club quasi centenaire qui trouve toujours les ressources et les clés pour se réinventer, bravant la tempête avec courage et dignité. La mobilisation devait avoir lieu. Le rassemblement des troupes devait être sonné pour faire face et retrouver des couleurs. Un élan quasi mystique ! Ce faisant, outre un exécutif qui s'est plié en quatre pour solder, purger et sortir le chéquier, l'exemple est venu de la base des sympathisants avec un public qui s'est mobilisé tel un corps constitué pour parer au plus urgent. En mal de financements et donc de liquidités, le CA ne pouvait se permettre de couler. L'ACE par exemple (Association des Clubistes à l'Etranger) a ainsi ouvert des comptes courants pour alimenter les caisses du club. Dans le même temps, les inconditionnels ont eu le déclic, investir ou plutôt d'envahir de nouveau les travées du stade à chaque apparition clubiste. Face à l'ASG en L1, l'APR en C1, et surtout Al Hilal du Soudan, toujours en Ligue des champions, ils étaient pas moins de 40.000 inconditionnels à prendre d'assaut les tribunes du stade de Radès. Ce 12e homme clubiste, dont l'appellation se justifie encore et toujours par l'assemblage concret d'un mouvement de foule qui ne forme à terme qu'une seule et même entité, a tout simplement porté le CA au sommet lors de ce grand format de la C1. Quand le formidable corps clubiste se mobilise, la personnalité et la singularité de chaque maillon de la chaîne s'effacent le temps d'un match au profit de l'élan grégaire. Quelle masse humaine ! Quel élan quasi mystique qui transcende les acteurs clubistes du jeu et mystifie un adversaire qui devait fatalement tomber en fin de partie. Oui, c'est vérifié et assumé même. Il y a une portée réelle et mesurable des actions des supporters clubistes. Nous avons affaire ici à une forme d'engagement particulière. Il faut comprendre qu'un match de football ne se négocie pas. Les irréductibles fans du CA n'ont certes aucun moyen d'agir concrètement sur le déroulement du match. Mais quand il s'agit de dizaines de milliers qui entonnent d'un seule voix, ils forment ce que l'on pourrait appeler un douzième homme virtuel sur le terrain. Mieux encore : même au creux de la vague, le CA pourra toujours compter sur ses inconditionnels soutiens. Il semble donc exister une certaine disproportion entre la force des passions partisanes et la réalité de l'enjeu sportif. Contre vents et marées, quel que soit le challenge, le mot d'ordre est le suivant : «You Will Never Walk Alone». Apparemment, certains joueurs ayant par le passé enfilé la casaque clubiste, à l'instar de Khelifa, Belaid et Ghandri, se sont approprié cette thèse ou cette devise, se découvrant des investissements affectifs qui se déclinent sous la forme d'une adhésion volontaire, naturelle et engagée.