75% des cas (travail domestique et mendicité) enregistrés en 2017 sont des enfants. La donne a changé en 2018 : les femmes et les filles sont en tête de liste avec 578 cas (74,1%), révèle le rapport. Epinglée par les instances onusiennes et certaines organisations en matière de lutte contre la discrimination et la traite des personnes, dont le Centre Carter qui a fait état en mai 2017 de la persistance de la discrimination à l'égard de la population noire, la Tunisie, premier pays arabe à avoir aboli l'esclavage par Ahmed Bey le 23 janvier 1846, a réalisé cette année des avancées notoires dans ce domaine. Le processus d'élaboration d'un cadre juridique efficace et conforme aux standards internationaux a abouti à l'élaboration en 2016 de la loi organique n°61 relative à la prévention et la lutte contre la traite des personnes dans un premier lieu, puis à la naissance de l'Instance nationale de lutte contre la traite des personnes en 2017. Le 23 janvier de chaque année a été proclamé, hier, fête nationale de l'abolition de l'esclavage et de la traite par le président Caïd Essebsi. Un premier rapport national «Nous n'avons pas accepté l'esclavage en 1846, nous ne l'accepterons pas aujourd'hui, ni dans les années à venir», a martelé Raoudha Laabidi, présidente de l'instance nationale de lutte contre la traite des personnes, à l'ouverture des travaux du colloque international organisé à Tunis hier, mercredi 23 janvier, dans le cadre de la commémoration de la Journée nationale de l'abolition de l'esclavage sous l'intitulé»: «Identification, orientation et protection des victimes de la traite des êtres humains». Rehaussé par la présence de plusieurs invités et experts, dont le ministre de la Justice, Mohamed Karim Jamoussi, le représentant personnel du président de la République, Lazhar Karoui Chebbi, des représentants de l'Unesco, du conseil de l'Europe, du système des Nations unies, l'association « Avocats sans frontières » et plusieurs autres représentants de la chancellerie diplomatique, le colloque a été surtout marqué par la présentation du rapport annuel de l'instance et la réflexion autour de la mise en place du mécanisme nationale de référencement. En 2018, le nombre des cas enregistrés par l'instance a été estimé à 780, avec une augmentation par rapport à 2017 où le nombre n'a pas dépassé 742 cas. Il ne faut pas s'alarmer car cette augmentation augure d'un bon suivi et d'une visibilité des victimes grâce aux mécanismes de travail de l'instance qui commencent à porter leurs fruits. Les femmes et les filles, une frange vulnérable Si les enfants sont considérés comme étant la frange la plus touchée par ce phénomène en 2017 avec 75% des cas (travail domestique et mendicité), la donne a changé en 2018 et ce sont les femmes et les filles qui devancent tout le monde avec 578 cas et un taux de 74,1%, révèle le rapport. Le nombre des cas de traite des enfants est estimé à 378, soit 48%, dont 367 ont été soumis au travail forcé. Sur un autre plan, le nombre des victimes d'abus sexuels est estimé à 39 cas avec un taux de 10,2%. Nos amis les Ivoiriens sont les plus touchés par ce phénomène, estime le rapport avec 79,2% .Ceci n'est pas tolérable et il faut accroître la lutte, notamment sur le plan de la prévention, a souligné la présidente de l'Instance. La Tunisie constitue un pays de transit et a certes besoin de cette main-d'œuvre mais nos amis les Ivoiriens ont droit au respect de leur dignité. Il en est de même pour toutes les autres nationalités sans exception aucune, ajoute-t-elle. Raoudha Laâbidi a expliqué que l'instance a opté pour une stratégie de défense dans le domaine de la lutte contre la traite des personnes et ce avec le concours des avocats, de la société civile, et d'autres ministères dont ceux de l'Intérieur, de la Santé et des Affaires sociales. Une stratégie qui vise à assister les victimes, à les orienter et à protéger leurs droits. L'instance porte aussi une aide accrue à ceux qui veulent rentrer chez eux, fait-elle encore remarquer. Une tente de sensibilisation à l'avenue Habib-Bourguiba Le défi de taille, c'est l'édification d'une société juste qui refuse l'acceptation sociétale de ce phénomène, a signalé de son côté Antonio Manganella (Avocats sans frontières) qui a insisté aussi sur la nécessité de garantir aux victimes l'accès à la justice. Commentant la traite des personnes, Diego Zorrilla (coordinateur résident du système des Nations unies en Tunisie) a souligné que c'est un crime odieux qui se nourrit des inégalités et qui les nourrit. Il a tenu à féliciter la proclamation par notre pays du 23 janvier de chaque année «Journée de fête nationale de l'abolition de l'esclavage et de la traite». Des ateliers autour du secteur de la sécurité, de la chaîne pénale, et du rôle des acteurs sociaux ont été tenus lors des travaux de la première journée. La célébration de l'anniversaire de l'abolition de l'esclavage en Tunisie se poursuit avec l'installation, aujourd'hui jeudi 24 janvier, d'une tente de sensibilisation à l'avenue Habib Bourguiba. L'instance de lutte contre la traite des personnes ainsi que les organisations internationales et la société civile active en matière de lutte contre la traite présenteront à cette occasion leurs activités, informations et mécanismes disponibles en Tunisie pour la prévention du crime et la protection des victimes. La tente est ouverte de 10h00 à 16h00.