L'état des lieux n'incite guère à l'optimisme. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le nombre d'unités industrielles dans le gouvernorat de Gafsa a connu une croissance après les émeutes du Bassin minier en 2008, permettant, ainsi d'absorber un tant soit peu la crise aiguë du chômage qui gangrène ces contrées depuis des années. Mais la période post-révolution a ralenti le développement du tissu industriel, accentuant ainsi cette crise qui ne fait que s'accroître en amont et en aval. Cette situation est-elle une conséquence inéluctable de la révolution ? Peu importe, en effet, la réponse, mais voyons l'état des lieux qui n'incite guère à l'optimisme. En effet, les sit-in et la vague de protestations sont autant de maux qui nous renseignent sur le malaise des unités industrielles contraignant, par voie de conséquence, certains patrons à mettre la clé sous le paillasson pour s'établir ailleurs. Il est à rappeler que le premier à plier bagage était le fabricant nippon de câbles «Yazaki» qui a fermé son unité de production à Moularès, en décembre 2011, reléguant ainsi 480 ouvriers au chômage. Celle de Métlaoui avait connu le même sort en juin 2011, suite aux incidents vécus dans la région contraignant 500 employés à l'arrêt forcé. Idem pour le fabricant de textile «Khamaisa» qui a fermé son usine basée à Mdhilla. Nous enchaînons avec cette période post-révolution, au cours de laquelle le e-commerce fut sensiblement affecté avec la fermeture des call centers de Métlaoui et Redeyef qui employaient 400 jeunes diplômés de l'enseignement supérieur. A ce constat morose s'ajoute le cas énigmatique de cette usine d'articles sanitaires ; l'unique qui s'est installée dans le Bassin minier après la révolution et qui a fermé ses portes en janvier 2015 pour cause de blocage du chantier de raccordement au réseau du gaz naturel. Et on continue à épiloguer sur le mégaprojet Protun, avec un investissement de 240 millions dinars répartis sur 11 projets. Une énigme qui ne trouve guère de réponse alors que ce dernier a été accueilli en grande pompe dans le gouvernorat. De nombreux blocages Cette manne aurait pu enlever une épine du pied des autorités gouvernementales, mais au grand dam des demandeurs d'emploi, le consortium d'actionnaires européens a quitté sur la pointe des pieds sans argumenter ce départ précipité. Un membre de la Conect-Gafsa nous explique le pourquoi de ce désistement. « Les troubles observés dans le Bassin minier sont loin d'encourager le plus audacieux des investisseurs. A cela vient s'ajouter un brin de laxisme de certains responsables régionaux». A ces facteurs bloquants, nous rajoutons la réduction des vols sur l'aéroport de Nefta-Tozeur en partance vers certaines capitales européennes, ce qui a contraint les membres de ce consortium à réviser leur feuille de route, puisqu'ils comptaient acheminer leurs productions à travers cet aéroport, abstraction faite de l'aéroport de Gafsa-Ksar qui aurait pu constituer la cheville ouvrière de ce mégaprojet. Un feedback sur la visite de la délégation européenne dans le temps et une déclaration de son président, l'Autrichien Jurgeen Klaus Lotarov, reflètent cependant les opportunités qu'offre la région pour favoriser l'implantation des entreprises. «Les mesures fiscales et juridiques ne peuvent que réconforter les investisseurs. Le choix fixé sur cette région est argumenté aussi par la diversité biologique et la main-d'œuvre à disposition». Toutefois, le constat général donne matière à réflexion au vu d'une léthargie qui fait que la crise de chômage ne fait que s'amplifier au fil des années. L'infrastructure de base existe-t-elle? A-t-on défini les priorités de la région en fonction des besoins exprimés et surtout des richesses, dont regorge ce gouvernorat ? Qu'a-t-on fait pour stimuler l'incitative privée afin de peupler ces soit-disant zones industrielles (aménagées)? Les questions ne manquent pas, mais en vain, les réponses font défaut et la plus percutante demeure. Y a-t-il une vie sans le phosphate?...