Par Neila GHARBI Il n'y a pas de mal à ce que la culture soit rentable. Pourquoi pas ? Après tout, il y a lieu de récupérer l'argent investi dans un projet. C'est la moindre des choses. La culture à but non lucratif est d'un autre temps. «L'art pour l'art», slogan bohémien du XIXe siècle, n'a plus cours de nos jours. L'Etat providence, c'est fini ou presque. La culture peut-elle survivre sans les fonds publics ? Sans subventions, comment la culture pourrait-elle vivre ? La Cité de la culture est un projet gourmand. Elle nécessite beaucoup d'argent. Et à l'heure où l'Etat est en difficulté, la prise en charge assez lourde de l'entretien de cet espace pose problème. C'est sans doute pourquoi le ministère de la Culture met à la disposition des particuliers la location des salles de la Cité dans le but d'alléger certaines charges. En fait, à quoi sert une salle d'opéra si elle ne fonctionne pas au moins trois fois par semaine. Idem pour les salles de cinéma. La culture à but non lucratif va de soi, mais jusqu'à quand ? C'est ainsi que la salle Omar-Khlifi a changé de nom et de vocation. Elle s'est transformée en salle commerciale et porte désormais le nom du nombre de ses sièges «Ciné 350» dont l'inauguration a eu lieu le 18 janvier dernier. Le lieu est appelé à devenir rentable par une programmation de films commerciaux. Le «Bellouchi», c'est fini. La salle de l'opéra et les autres espaces de la Cité pourront accueillir, sans doute, des représentations de one man shows ou des stand-up, peut-être encore des fêtes de mariage, de circoncision ou d'anniversaire ! Qu'est-ce qui empêchera cela s'il n'y a pas de cahier des charges précisant les modalités de location. La tendance vers la culture à but lucratif se fait de plus en plus sentir. Au théâtre, le one man show gagne du terrain, en musique le rap commercial est à son apogée et au cinéma les cinéastes s'orientent de plus en plus vers le cinéma de genre : comédie (Porto Farina), horreur (Dachra), social (Regarde-moi). Ces films drainent un grand nombre de spectateurs. D'ailleurs, «Dachra», distribué par Hakka productions, a tellement bien fonctionné que le distributeur de «Porto Farina, le groupement Goubantini a vite fait de programmer un film d'horreur égyptien intitulé «122». C'en est fini du film d'auteur qui, même s'il est plébiscité par le public des festivals et de la critique, est boudé par la masse, à l'instar de «Weldi» ou encore de «Bidoun». Donner du «pain et des jeux» (Panem et Circenses) aux citoyens est un leitmotiv qui fonctionne depuis la Grèce et la Rome antiques. Si la culture est plus axée sur le divertissement, l'Etat doit-il continuer à la subventionner ? Une question qui fâche les artistes et les professionnels de la culture. On les comprend bien. La réponse est oui; si la question des droits d'auteur n'est pas réglée, la condition de l'artiste reste précaire et le marché est limité, l'intervention de l'Etat s'impose même s'il faut reconnaître qu'elle est anti-démocratique. Elle est indispensable dans la mesure où elle assure la régulation du marché pour éviter qu'il soit la proie des faiseurs de culture au goût douteux.