L'accession parmi l'élite est souvent, pour ne pas dire toujours, l'œuvre et le fruit de l'ambition d'une personne d'exception et non le résultat d'un projet de région qui dure. Elle est toujours sous la menace de s'écrouler comme un château de cartes. Le match des huitièmes de finale de la Coupe de Tunisie, qui s'est déroulé vendredi sur la pelouse du stade municipal de Houmet-Souk entre l'Association Sportive de Djerba, qui se bat pour assurer son maintien, et l'Espérance Sportive de Tunis, qui disputera dans quelques jours au Qatar deux rencontres de Supercoupe tunisienne et Supercoupe africaine, a bien montré, pour ne pas dire confirmé, que l'écart entre les équipes de premier plan de la Ligue 1 et celles du soi disant second plan de la Ligue 2, n'est pas aussi énorme et frappant que certains essaient de le faire croire ou, plutôt, de le faire avaler. Bien que privée de pas mal de ses titulaires habituels pour diverses raisons mais alignant quand même Ben Chrifia, Derbali, Chammam, Dhaouadi, Chaâlali, Meziani Mejri, Bguir et Jouini, l'EST, avec toute son armada de suppléants du jour, a été forcée d'aller jusqu'aux prolongations et la qualification pour les quarts de finale a été obtenue après tant de frayeurs et dans la douleur après les huitièmes tirs au but réussi après celui loupé de l'arrière gauche insulaire. S'il y a fossé, s'il y a gouffre entre les grosses cylindrées et toutes les autres équipes qui sont à armes égales, il est avant tout, pour ne pas dire exclusivement, d'ordre financier. Au niveau technico-tactique, le championnat de la Ligue 2 n'a rien à envier à celui hiérarchiquement supérieur de la Ligue 1 et n'a pas grand-chose à apprendre. Côté suspense aussi bien pour l'accession que la relégation, prestation de haut niveau, matches ouverts et fort disputés, buts de belle facture et même d'anthologie, il est même en avance et parfois beaucoup plus attrayant et palpitant et pas moins intéressant. Avec des nouveautés et même des surprises à chaque saison sportive. En poule 2, le Croissant Sportif de Chebba a dominé cette année le championnat de bout en bout, et, a assuré son accession trois journées avant la clôture, laissant loin derrière les prétendants et les favoris habituels comme EGSG, l'ASK et même l'USB. En poule 1, c'est l'Avenir Sportif de Soliman, un club sorti des ténèbres par un président amoureux du foot et pas seulement de la politique, très ambitieux et fort audacieux, voire téméraire nommé Walid Jalled, qui est sur le point de prendre de vitesse le trio ESZ-ASM-OB et de figurer pour la première fois de son histoire la saison prochaine parmi l'élite. L'ascension fulgurante de ces deux clubs jusqu'ici inconnus, en tout cas pas très célèbres dans le paysage sportif, autant elle est très sympathique et séduisante autant elle pose un tas d'interrogations avec une question majeure : est-ce un simple billet aller-retour Ligue 2-Ligue 1, comme cela a été souvent le cas pour les nouveaux promus, une ascension sans lendemain ou, cette fois, plus sérieux, plus réfléchi avec un plan et un projet qui s'étendent dans la durée pour un ancrage réel et durable à l'étage supérieur ? Impossible d'y répondre avec certitude, pour la simple et bonne raison que cette montée en Ligue 1 est le fruit non pas d'un projet de région toute entière où toutes les parties prenantes sont impliquées et concernées, mais d'un projet de personne occasionnel, dont la poursuite du processus d'exécution dépend largement, voire uniquement de la volonté, de l'humeur et des intérêts de son auteur et plus exactement de son propriétaire. Le président du CSChebba, Taoufik Mkacher, est un homme richissime qui jongle avec les milliards allant même, dans son élan fougueux pour doter sa région d'un club bien structuré avec une bonne infrastructure, jusqu'à prendre la place des collectivités locales et de la municipalité et promettre de construire avec son propre argent une partie des gradins pour les visiteurs. Le président de l'ASSoliman, Walid Jalled, lui, use de toute son influence politique de personne proche du cercle du pouvoir pour le bien de sa région et de son club afin d'améliorer les rentrées d'argent, les recettes de sponsoring et de publicité, chose qui lui a permis de mettre sur pied un très bon effectif, riche en quantité et en qualité, le meilleur sans doute de la Ligue 2. Si l'accession est assurée, et elle est plus que jamais à la portée avec 2 matches sur 3 à Soliman et malgré la perte du match sur le tapis gagné sur le terrain devant l'ESZ qui est certaine pour avoir fait jouer involontairement Mohamed Ali Ben Hamouda, alors qu'il était sous le coup d'une suspension (3e avertissement), eh bien elle ne sera pas volée et personne n'osera dire qu'elle n'est pas méritée et lever le petit doigt pour la contester. Reste que ces deux clubs fortunés occasionnellement et qui ont eu la chance de trouver le président et le commandant à bord qu'il faut au bon moment sont une exception et pas la règle. La règle, c'est tout autre chose et un autre état des lieux avec des clubs qui ne manquent pas de matière première et de joueurs de talent et d'avenir au niveau des jeunes, mais qui n'ont pas ce privilège d'avoir à leur tête un président milliardaire ou politiquement influent et bien casé pour accumuler les fonds et les dons et qui vivent pratiquement au jour le jour, constamment sous forte pression et dans une ambiance délétère et intenable, ce qui les empêche d'avoir un programme de travail, encore moins un projet.