Le kamikaze s'était fait exploser au milieu d'une procession de l'Achoura, cérémonie commémorant la mort de l'imam Hussein célébrée ce jour-là dans la ville par plus de 50.000 membres de la minorité chiite. Il s'agit de l'attaque la plus meurtrière perpétrée depuis plus de deux ans à Karachi, capitale économique du Pakistan, et l'une des pires dans le pays en matière de violences interconfessionnelles. "Nous avons perpétré l'attentat-suicide de Karachi", a déclaréAsmatullah Shaheen, un haut commandant du Mouvement des talibans du Pakistan (TTP), la principale faction des talibans pakistanais, qui a fait allégeance à Al-Qaïda. Le gouvernement a accusé plusieurs groupes islamistes sunnites, dont le TTP, d'avoir perpétré l'attentat. Le TTP et leurs alliés, qui dénoncent notamment l'alignement d'Islamabad sur la "guerre au terrorisme" américaine, sont considérés comme responsables de la vague d'attentats qui a fait plus de 2.800 morts dans le pays depuis près de deux ans et demi. L'armée pakistanaise mène depuis octobre une grande offensive contre les talibans dans le district tribal du Waziristan du Sud (nord-ouest), frontalier de l'Afghanistan. Le TTP et ses alliés ont, en représailles, intensifié la vague d'attentats, notamment à Peshawar, la grande ville du Nord-Ouest. L'implication du TTP dans l'attentat de Karachi, située à plus de 500 km du Waziristan du Sud à vol d'oiseau, montrerait, s'il en était encore besoin, la très large capacité de nuisance des rebelles talibans à travers le pays, bien au-delà des zones tribales où l'armée les traque. Le kamikaze s'appelait "Hasnain Muawia" et "était un de nos hommes", a ajouté Asmatullah Shaheen, dont le nom figure sur la liste des 20 commandants rebelles les plus recherchés par le gouvernement, par téléphone et depuis un lieu inconnu. "Nous l'avons fait pour protéger l'honneur des compagnons du Prophète", offensés selon lui par le culte chiite, dénoncé par les mouvements sunnites extrémistes comme les talibans. "Nous mènerons d'autres attaques, et viserons également des bâtiments gouvernementaux", a-t-il également souligné. Mardi, des milliers de chiites avaient pleuré leurs coreligionnaires tués dans l'attentat-suicide. Lors de cette cérémonie, un mollah en colère s'en était pris aux Etats-Unis, accusés d'attiser les violences. L'attentat avait immédiatement déclenché lundi une série de violences à travers la ville, où des pèlerins en colère avaient incendié des dizaines de véhicules et magasins, conduisant les autorités à lancer un appel au calme. Les chiites représentent 20% de la population pakistanaise (170 millions de personnes), en très grande majorité sunnite. Les violences confessionnelles ont fait des milliers de morts dans le pays depuis 20 ans.