A celui qui mérite de rejoindre le Panthéon des héros légendaires, mythiques et historiques qui ont fait notre pays, Leïla Ladjimi Sebai, archéologue et écrivain, dédie cette réflexion sur la renaissance par le feu. Comment ne pas rattacher son geste, celui du sacrifice expiatoire par le feu, à cette symbolique puissante de la naissance de Carthage et de la Tunisie ? Carthage fut fondée par les Phéniciens, et ce terme renvoie indiscutablement au mot grec «phoenikos» qui a non seulement désigné la couleur rouge, pourpre, mais aussi le phénix, cet oiseau éclatant et fabuleux, au plumage rouge, bleu et or, qui avait le pouvoir, après s'être consumé sur un bûcher, de renaître de ses cendres. Pour les Anciens, il était le symbole de l'immortalité de l'âme, et plus simplement de tout ce qui renaît. Ainsi, le phénix évoque-t-il le feu créateur et destructeur, dont le monde tient son origine, car de tous les éléments primordiaux, le feu est sans doute l'élément le plus pur et le plus subtil, le plus complexe aussi. «Il est le principe de toutes choses, l'état primordial de tous les plans de la création». Tous les Tunisiens connaissent le destin héroïque de la Phénicienne Elissa-Didon, reine et fondatrice de notre pays qui, en 814 av. J.-C., pour sauver sa toute jeune et nouvelle patrie d'un péril certain, n'hésitait pas à se sacrifier par le feu. Certains connaissent aussi ce même geste héroïque de l'épouse du dernier défenseur carthaginois Hasdrubal alors qu'il s'apprêtait à livrer le pays aux soldats de l'ennemi: en ce fatal mois de mai 146 av. J.-C alors que Carthage brûlait, elle invectiva son époux, et se jeta dans les flammes avec ses enfants. Ainsi le destin de l'antique Carthage, depuis sa fondation et jusqu'à sa chute, est-il singulièrement lié au sacrifice de deux personnages hors du commun. Aujourd'hui encore, sacrifice par le feu ! Faut-il s'en étonner ? Un enfant du pays choisit le chemin difficile de la liberté et nous montre la route. Sacrifice expiatoire, geste de désespoir, mais aussi d'espoir, geste sans doute durablement ancré dans l'inconscient collectif. Sacrifice sublime pour que renaisse et revive notre nation purifiée, notre belle et éternelle Tunisie !