Il est clair que Jeffrey D. Feltman, secrétaire d'Etat adjoint américain aux Affaires du Proche-Orient, est revenu en Tunisie, où il a été chef de la section politique et économique à l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique entre 1998 et 2000, pour une mission d'évaluation de la situation et de prospection de ce que pourrait être le futur. Il était également évident qu'il avait des mots d'ordre à répercuter et qu'il a eu la finesse d'intégrer dans toutes ses réponses aux questions qu'on lui a posées lors de la conférence de presse qu'il a tenue hier au siège de l'ambassade des USA à Tunis : respect de la volonté du peuple, non ingérence américaine dans les affaires internes de la Tunisie, et disposition à fournir toute assistance que les Tunisiens demanderaient. En préambule, M. Feltman a assuré, au cours de cette rencontre avec les médias, qu'il était heureux de retrouver la Tunisie après près de douze ans, et qu'il était ahuri des changements qui s'y sont produits. Il s'est dit également qu'il était investi de la mission d'affirmer que les USA se tenaient aux côtés du peuple tunisien, désormais en point de mire des Américains mais aussi du reste du monde. M. Feltman, qui a affirmé avoir eu des entretiens avec des représentants, autant du gouvernement provisoire que de la société civile, tout en saluant les décisions courageuses et démocratiques de MM. Foued Mebazaâ et Mohamed Ghannouchi, a déclaré que son gouvernement saluait le choix de la Tunisie d'aller vers des élections libres et pluralistes qu'il s'agit de bien préparer, pour répondre aux attentes du peuple. Aux nombreuses questions qui lui ont été posées et à la majorité desquelles il s'est dérobé par des réponses évasives ou par la reprise des mots d'ordre déjà cités, il a quand même apporté quelques éléments de réponse, comme quoi les Etats-Unis n'ont rien fait pour déloger Ben Ali et que c'est le peuple qui l'a amené à partir, qu'il est là pour féliciter les Tunisiens et pour leur proposer l'assistance américaine dans les domaines qu'ils veulent, notamment en matière de partenariat économique. A ce propos, l'ambassadeur américain à Tunis est intervenu pour affirmer qu'il avait, depuis quelques mois, entrepris une action dans ce sens pour convaincre des entreprises américaines d'investir en Tunisie, mettant en exergue le gros potentiel humain et technique existant dans notre pays. Par ailleurs, et après avoir remarqué que la Banque centrale américaine avait demandé un état de toutes les transactions bancaires menées par les membres et les familles de l'ancien régime, M. Feltman a assuré que les USA tenaient à ce que la Tunisie recouvre tout ce dont elle a été spoliée. Il a surtout affirmé, par ailleurs, qu'en politique civil, il n'avait pas eu contact avec des représentants de l'armée, et que c'était aux Tunisiens de choisir leurs représentants et leur gouvernement futurs, tout en soulignant que c'était à la société civile, associations, ONG, partis et mouvances confondus, d'œuvrer main dans la main avec le gouvernement provisoire, pour préparer la nouvelle Tunisie démocratique et pluraliste que le peuple réclame. A propos des islamistes, tout en réitérant que c'est aux Tunisiens de choisir, il a déclaré que les parties qui peuvent être présentes sont celles qui respectent les règles du jeu de la démocratie. M. Feltman a quand même exclu d'établir la comparaison entre ce qui se passe en Tunisie et d'autres pays arabes, «la mainmise sur les libertés en Tunisie n'ayant aucune commune mesure avec ces autres pays» (!).