Par Jawhar CHATTY La Presse — Ces derniers temps, les dépêches de l'agence Tunis-Afrique Presse (TAP) se font rares et significativement brèves. De deux choses l'une, ou il y a encore de la rétention de l'information ou, ce qui est un peu plus vraisemblable, les agenciers tâtonnent, à défaut de communication suffisante du gouvernement provisoire. Non point parce que celui-ci ne veut pas communiquer mais parce que, nous semble-t-il, il y a aussi cette crainte, légitime, de devoir communiquer pour tenir des promesses qu'il ne pourra pas, objectivement, tenir. Les dépêches de la TAP sont donc désormais concises. Il faudrait s'en féliciter. Elles se sont débarrassées enfin des forfaitures et de la langue de bois d'autrefois. Seulement, la concision ne signifie pas imprécision. Une information concise est une information complète donnée en toute clarté avec peu de mots. Concision se conjugue avec pertinence et simplicité. En somme, du grand professionnalisme d'agencier : des mots vrais et sans mélodie. La TAP se cherche et c'est tout à son mérite. Une agence qui ne sait pas où elle va, mais qui y va quand même. En perspective, espérons-le, un véritable travail d'agence : une information complète, claire, pertinente et bien évidemment actualisée. De l'audace également, quand il s'agit de traiter des questions dites "sensibles". De l'audace et de l'engagement responsable en tant que qu'agence d'information de service public. A l'actif de la TAP, une longue expérience et des ressources humaines aux compétences unanimement reconnues. A son passif, à l'instar du reste de nombre d'entreprises publiques, à l'instar de notre journal, une réserve de vieux réflexes en héritage. Un legs dont elle devrait patiemment, calmement et avec beaucoup de discernement s'en défaire…au prix d'une profonde restructuration au sommet. A cet effet, l'agence aura certainement besoin d'un nouveau schéma de financement rien que pour assurer une formation et un encadrement de ses ressources humaines qui seraient en phase avec le véritable métier d'agenciers. Une dépêche de la TAP vient de tomber à l'instant : «Le champ (pétrole et gaz) d'Hasdrubal reprend sa production après un arrêt de 5 mois, suite à un incident technique à l'usine de traitement de Nakta (Sfax)». Belle concision mais peu de clarté, un cas d'école. Trois mois après la Révolution du 14 janvier, la TAP est appelée à plus de réactivité et d'instantanéité. Rien qu'en nous apprenant que par cet «incident technique», le pays perdait 20% de la production nationale en gaz naturel, l'agence aurait accompli pleinement sa mission d'information de service public. Ni plus ni moins. C'est tout de même important la nouvelle annonçant la reprise d'activité d'un champ dont la production en pétrole et en gaz atteint environ 10.000 barils, 2,5 millions de mètres cubes de gaz et 350 tonnes de GPL par jour. L'information est sérieuse en termes de sécurité énergétique, et de perspectives d'exploration pétrolière. On se serait bien passé ici de la concision dont fait montre la TAP. Si, de fait et par la force des choses, la TAP a quelque peu changé de ton, en épousant la vague des nouveaux temps, l'imprécision et les vieux réflexes persistent toutefois. Sans doute par démotivation et par perte de repères qui, toutefois, n'excluent guère une volonté sincère d'aller de l'avant et de hisser haut les couleurs de la qualité ! Ce dont il s'agit aujourd'hui pour une agence historique comme la TAP, c'est de se ressaisir, de faire pleinement son noble métier d'agence d'information nationale dans l'impartialité, la crédibilité et la transparence de l'information qu'elle diffuse. La tâche n'est sans doute pas aisée, elle nécessite une redéfinition de la mission de l'agence et une restructuration en son sein. Pour cela, il faudrait aussi que le gouvernement provisoire émette un message clair et une volonté dans ce sens.