Sur la déprogrammation sans préavis de ma pièce de théâtre Mémoire en retraite, production du Théâtre national, à l'occasion de la Journée mondiale du théâtre Par Meriam BOUSSELMI* Monsieur le Ministre, Moi, Meriam Bousselmi, auteur-metteur en scène de la pièce de théâtre Mémoire en retraite, production du Théâtre national en 2011, tiens par ce courrier, à vous faire part de ma colère et mon inquiétude suite à la déprogrammation abusive de ma pièce de théâtre de la salle du Quatrième-Art par un communiqué de la part de la direction du théâtre de votre ministère imposant à l'administration du Théâtre national d'annuler sa programmation spéciale à l'occasion de la Journée mondiale du théâtre sans préavis ni accord préalable sous prétexte que le ministère a prévu une autre représentation et une cérémonie à laquelle vous allez assister par la même occurrence. Monsieur le Ministre, bien que je ne conteste pas le fait qu'une autre création soit programmée pour fêter la Journée du théâtre, de toutes les façons je ne suis pas partisane de la culture de circonstance, mais plutôt, yeux baissés et genoux pliés, je guette l'illumination et combats la précipitation n'ayant pour religion que le labeur et pour seule sortie une œuvre qui s'éternise sur les planches moisies d'une scène de fortune. Cependant, telle qu'elle est prise, cette décision m'exaspère et me pousse à sortir de mon silence volontaire depuis la Révolution. C'est une question de principe, que ce soit ma création ou la création d'un autre artiste, on ne peut plus tolérer des débordements que l'on croyait révolus. Pouvez-vous, Monsieur le Ministre, qualifier l'acte d'improviser une cérémonie dans la salle du Quatrième-Art sans l'accord antérieur de l'administration du Théâtre national autrement que par un fait du prince‑? C'est dans la tradition de l'institution de présenter chaque programmation spéciale qui comporte une représentation de la dernière production de la maison. Ne serait-il pas une forme de marginalisation de l'institution et par là de l'artiste qui lui est associé et de son œuvre que d'imposer une autre formule consentie par une commission étrangère à l'institution‑? N'aurait-il pas été plus sage de collaborer avec l'institution et demander à l'avance si elle pouvait déprogrammer sa production et expliquer pour quelles raisons‑? Peut-on encore, Monsieur le Ministre, ne pas s'en tenir à un minimum de respect de l'éthique du métier‑? Ou y a-t-il un artiste plus privilégié qu'un autre‑? Monsieur le Ministre, il est temps de mettre fin à tout acte arbitraire. Je suis une jeune artiste et je suis contre la marginalisation. Je demande qu'on me respecte et qu'on ne déprogramme pas ma création sans me prévenir, moi et l'institution qui me produit. C'est une question de dignité et non d'intérêt. Monsieur le Ministre, pour préserver la Tunisie, il n'y a qu'une seule voie, exiguë mais avec de larges artères. Je vous prie, Monsieur le Ministre, de réagir dans l'immédiat et de faire respecter l'éthique du métier et ses lois.