L'expérience espagnole en matière de réforme politique et de transition économique et sociale a été au centre d'un débat organisé vendredi à Beït Al Hikma, dans le cadre du colloque hispano-tunisien sur la société et les défis de la transition démocratique. La transition démocratique est un processus qui diffère d'un pays à l'autre d'où l'originalité de chaque expérience, a affirmé Rafael Lopez Pintor, expert international dans les affaires politiques. Le dénominateur commun des révolutions dans le monde entier est le sentiment de frustration, d'oppression et une aspiration à la liberté et à la justice, a-t-il indiqué. La révolution espagnole, dit-il, contre le régime du général Franco est parvenue à engager des réformes politiques et sociales d'envergure, avec l'instauration d'une monarchie constitutionnelle, le renforcement de la classe moyenne. Ces différentes réformes ont permis à l'Espagne d'être, aujourd'hui, pays membre de l'Ocde. De son côté, Ahmed Néjib Chebbi, avocat et l'un des fondateurs du Parti démocrate progressiste(PDP), a souligné que les manifestations populaires en Tunisie sont venues exprimer le refus de l'injustice sociale citant en particulier les protestations du bassin minier en 2008 qui a tracé la route devant la révolution populaire qui a permis de mettre le pays sur le chemin de la transition démocratique. Passant en revue les défis auxquels est confronté le gouvernement provisoire, M. Chebbi a affirmé la nécessité de mettre en place un programme de développement social, juste et global, de rétablir la sécurité et de lutter contre les forces extrémistes qui cherchent à porter atteinte au modèle tunisien, fondé sur le juste-milieu, la tolérance et l'ouverture sur l'autre. Pour sa part, l'ancien président du Parlement européen, M. Enrique Baron Crespo, a souligné que le succès de la transition démocratique commande la cohésion des différentes composantes de la société civile autour d'un projet réformiste, dans le cadre d'un consensus national. L'Espagne post-révolutionnaire a révisé sa Constitution à douze reprises en vue d'une consécration de la démocratie, de la liberté et de la justice. La Tunisie, a-t-il soutenu, est appelée aujourd'hui à focaliser ses efforts sur les volets économique et social, notamment, à travers la promotion de l'emploi, le développement des secteurs économiques porteurs, la maîtrise de l'endettement et l'ouverture sur de nouveaux marchés. Passant en revue l'évolution de la vie politique en Tunisie depuis la révolution du 14 janvier, le président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution a analysé le processus constitutionnel dans le pays indiquant que malgré tous les abus commis par les deux anciens présidents, la Constitution de 1956 a toujours constitué le cadre dans lequel les gouvernements ont travaillé jusqu'à son abrogation sous la pression du peuple. L'abrogation de la Constitution et la dissolution de la Chambre des députés et la Chambre des conseillers et la décision d'organiser de manière provisoire les pouvoirs ont fait que le pays, tout en étant dans un état d'illégitimité, a pu toutefois continuer de mener ses activités dans un cadre de légalité. Il a affirmé que les prochaines élections de la Constituante nécessitent une rupture totale avec l'ancien référentiel politique pour entamer une nouvelle étape de construction sur de nouvelles bases. La révolution tunisienne, explique de son côté José maria Ridao, diplomate, écrivain et éditorialiste au journal espagnol El Pais, n'avait besoin d'aucune aide venant de l'étranger. Il a condamné le silence européen au moment du déclenchement de la révolution et l'aide apportée par les gouvernements européens aux régimes dictatoriaux dans la région arabe, en raison de la peur suscitée par les événements du 11 septembre. Le consensus national doit être la feuille de route de l'ensemble des partis politiques en Tunisie, a-t-il soutenu, affirmant que la révolution tunisienne offre un modèle à suivre pour tous les peuples épris de liberté.