La championne tunisienne est à la croisée des chemins‑: ou elle va passer à un palier international, ou elle va rester «otage» d'un système clos Toute la Tunisie a salué l'exploit de Ons Jabeur à Roland-Garros. Même les profanes y ont pris part. C'est légitime, on a pris l'habitude de voir des joueuses américaines, russes, françaises et d'autres monter sur la plus haute marche du podium. Maintenant, le rêve est devenu réalité : on a une championne tunisienne qui a dominé tout le monde, pour l'emporter haut la main. Même ceux qui n'ont pas de penchant pour le tennis ont senti une énorme fierté. Ons Jabeur les a conciliés avec le sport et avec le tennis. C'est un titre important, valeureux qui vient au moment où la Tunisie essaye de chasser les mauvais souvenirs de l'ancien système. Quel rapport dites-vous? L'année dernière, Ons Jabeur, finaliste à Paris, a dû faire l'objet d'une misérable récupération politique. Au lieu de mettre en valeur son exploit et de lui ouvrir les portes d'une carrière internationale, les anciens dirigeants du sport (ils se reconnaîtront!), appuyés par une odieuse entité de propagande (RCD, ex-conseillers de ZABA et bien sûr leurs hommes), ont vite récupéré l'exploit prometteur de la jeune. «Propagande pro-Ben Ali», mérite de sa «clairvoyante politique sportive», «les vertus des choix politiques et sociaux»... Tout était bon pour détourner l'exploit de Ons Jabeur. Elle stagne, se blesse en novembre et s'absente pendant un mois. Alors, ce sont ses proches, son staff qui font leur boulot pour la récupérer et la soutenir. A ce moment, personne ne se souciait de son état de santé. Ces télévisions, ces radios qui font du tapage sur elle depuis dimanche, où sont-ils passés à ce moment ? Ons Jabeur est revenue grâce notamment à son cœur, à son mental de guerrière et aux efforts de son staff. Elle ne doit rien à personne. Et maintenant qu'on s'est débarrassé d'un système mafieux qui faisait du sport un moyen pour faire oublier ses crimes, Ons Jabeur peut savourer son exploit, sans être obligée de rendre hommage au président de la République, ni au ministre des sports, ni à quiconque. C'est une victoire d'une jeune championne d'une génération qui a fait une révolution et qui proclame son droit à bâtir la Tunisie de demain. Ons Jabeur est devenue un acquis national pour les sportifs. Une sorte de symbole, de modèle qui doit emmener avec lui d'autres sportifs. Le monde des grands La FTT a commis une erreur stratégique, l'année dernière, en pensant qu'elle a les moyens de l'aider à rentrer sur le classement WTA. Mauvais diagnostic, mauvaise approche. Nous ne doutons pas de la bonne foi de la FTT et de son staff, mais ont-ils les moyens financiers et humains et le savoir similaire à ce qui se passe à l'étranger ? Peut-on, à partir de la réalité tunisienne et à partir des compétences tunisiennes, encadrer Ons Jabeur de la même façon qu'on encadre Bartoli, Wozniacki ou Kvitova ? C'est non, nos entraîneurs, aussi ambitieux soient-ils, ont beaucoup d'efforts à fournir pour faire comme ça se passe à l'étranger. Sponsors, équipementiers, conseillers médias, entraîneurs, préparateurs physiques, experts en nutrition, médecins, préparateur mental, manager, expert en suivi et programmation… Un véritable chantier qui requiert d'énormes fonds. La solution ? D'après tous ceux qui s'y connaissent, Ons doit impérativement s'installer à l'étranger et approcher des spécialistes du tennis professionnel. Ses choix sont divers, pourvu qu'elle soit bien encadrée et conseillée. A 17 ans, Ons Jabeur n'a plus grand chose à faire sur le circuit ITF junior ou elle est en train d'atteindre le plafond. Elle est à la 745e place WTA, elle a 17 ans presque, c'est le moment de commencer chez les seniors. Là, tout va changer pour elle : façon de jouer, façon de supporter le stress, et façon d'agir par rapport à un environnement professionnel. Ce n'est pas trop tard, mais ce n'est pas tôt non plus !