Le Premier ministre égyptien Essam Charaf peaufinait dimanche un vaste remaniement, avec des changements aux Affaires étrangères et aux Finances notamment, visant à apaiser les critiques contre le gouvernement de transition et l'armée, qui dirige le pays. M. Charaf doit annoncer d'ici lundi soir une refonte de son équipe, mais selon l'agence officielle Mena il a déjà, dimanche, soumis pour approbation une liste de ministres au Conseil suprême des forces armées (CSFA), à la tête de l'Egypte depuis le départ du président Hosni Moubarak. Ce remaniement vise à répondre aux attentes des manifestants qui campent depuis une dizaine de jours sur la place Tahrir au Caire et réclament notamment la mise à l'écart de personnalités jugées proches de l'ancien pouvoir. Selon des sources gouvernementales une vingtaine de ministres, soit les 4/5èmes du gouvernement, seraient remplacés. Les portefeuilles de l'Intérieur, de la Culture, de la Justice, de l'Education et du Tourisme seraient inchangés. M. Charaf s'est déjà choisi samedi deux adjoints à la tête du gouvernement, un économiste expérimenté, Hazem Beblawi, et Ali al-Silmi, un membre influent du Wafd, un parti libéral dans l'opposition du temps du président Moubarak. Ils remplacent le Premier ministre adjoint Yahia el-Gammal, qui avait démissionné dans le courant de la semaine. M. Beblawi supervisera la politique économique dans le futur gouvernement remanié et M. Silmi sera chargé des questions liées à la "transition démocratique". M. Beblawi cumulera également ses fonctions avec celles de ministre des Finances, un poste détenu par Samir Radwane, qui avait connu des déboires avec un projet de budget revu de fond en comble à la demande des militaires. Le ministre des Affaires étrangères, Mohammed al-Orabi, a quant à lui annoncé dès samedi soir sa démission. Diplomate de carrière et ancien ambassadeur sous M. Moubarak, M. Orabi était jugé par nombre de manifestants comme proche du régime renversé le 11 février dernier. Le très médiatique mais controversé secrétaire d'Etat aux Antiquités, Zahi Hawass, déjà en place sous M. Moubarak, est lui aussi donné partant, selon des sources gouvernementales. Ces changements ont dopé la bourse du Caire, qui a clôturé en hausse de 3,26%. Le gouvernement de M. Charaf, sous tutelle des militaires, est chargé de gérer la transition jusqu'aux élections législatives qui doivent avoir lieu en octobre ou novembre. Une partie de la population accuse le pouvoir de faire traîner les réformes démocratiques et sociales promises. De nombreux Egyptiens lui reprochent également de manquer de fermeté pour faire juger les dignitaires de l'ancien régime et les policiers responsables de la répression lors du soulèvement de janvier-février, qui a fait officiellement près de 850 morts. L'armée, de plus en plus ouvertement montrée du doigt, a promis de limiter le recours aux tribunaux militaires pour juger des civils, un des griefs principaux des manifestants. Selon des organisations de défense des droits de l'Homme, entre 6.000 et 10.000 procès se sont tenus depuis février devant des cours militaires. Le CSFA s'est engagé à ne plus y juger que les affaires de viols, d'agressions de policiers et d'attaques armées. Mais l'armée a également prévenu que, si elle respectait les manifestations pacifiques, elle interviendrait en cas d'atteintes aux biens publics ou privés. Sous la pression de la rue, le gouvernement a déjà annoncé dernièrement le renvoi de centaines de hauts gradés de la police suspectés d'être impliqués dans la répression du soulèvement du début de l'année.