La formation d'un gouvernement égyptien profondément remanié, censé redonner confiance dans la mise en oeuvre de réformes, a été reportée mardi en raison de problèmes de santé du Premier ministre Essam Charaf, sur fond de fortes tensions politiques. M. Charaf, 59 ans, brièvement hospitalisé dans la nuit pour surmenage, a reporté ses consultations pour pouvoir se reposer, a annoncé l'agence officielle Mena. "Il se repose sur les conseils de ses médecins après des examens médicaux menés après ses soucis de santé dus au surmenage", a déclaré un porte-parole de M. Charaf cité par l'agence. "Son état est stable et il reprendra ses consultations pour finaliser les changements ministériels après cela". Les tractations devaient reprendre dans la journée, mais M. Charaf n'était pas arrivé au siège du gouvernement dans l'après-midi et les photographes ont été priés de quitter les lieux, selon la télévision d'Etat. Le porte-parole du gouvernement a tenu à démentir des "rumeurs" circulant au Caire sur une démission de M. Charaf, qui a pris ses fonctions début mars. L'investiture du nouveau gouvernement, prévue lundi, avait déjà été reportée de 24 heures, pour permettre à M. Charaf de procéder à des derniers arbitrages. Une fois composé, le gouvernement remanié doit prêter serment devant le maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées, l'instance qui dirige le pays depuis le départ du président Hosni Moubarak le 11 février, chassé du pouvoir par un mouvement de contestation populaire. Ce remaniement vise à apaiser la colère de la rue face la lenteur des réformes depuis la chute de M. Moubarak. Mais il a d'ores et déjà été jugé insuffisant par les manifestants qui campent depuis une douzaine de jours sur l'emblématique place Tahrir au Caire, haut lieu du soulèvement antiMoubarak. La fin des tribunaux militaires pour les civils, l'élimination des figures de l'ancien régime au sein des institutions et le jugement rapide des responsables des violences qui ont fait 850 morts pendant le soulèvement de janvier et février figurent parmi leurs revendications principales. Le maintien possible du ministre de la Justice Abdel-Aziz al-Guindi, soupçonné de traîner les pieds pour faire juger les responsables de l'ancien régime, est particulièrement critiqué. "Il aurait dû être le premier à partir", explique Bola Abdo, un militant originaire de la Haute Egypte qui campe sur la place Tahrir. Les manifestants dorment dans un village de tentes et ont commencé à s'installer sur la durée, avec plusieurs infirmeries, des ventilateurs, des télévisions et même une librairie et un coiffeur. Selon les premières listes de noms qui ont circulé lundi dans la presse, 14 portefeuilles doivent changer de titulaire et 13 pourraient rester inchangés. Le remplacement du ministre des Affaires étrangères Mohamed el-Orabi par un autre diplomate de carrière, Mohammed Kamel Amr, a déjà été annoncé officiellement. Idem pour le ministère des Finances, qui sera dévolu à un nouveau Premier ministre adjoint, l'économiste Hazem Beblawi, en remplacement de Samir Radwane, dont le projet de budget avait été contesté par l'armée. Ces tensions politiques surviennent par ailleurs à deux semaines de l'ouverture du procès de M. Moubarak, 83 ans, reclus depuis avril dans un hôpital de Charm el-Cheikh, sur la mer Rouge. Son avocat a assuré dimanche qu'il serait tombé dans le coma, mais l'information a été démentie par l'hôpital et le ministère de la Santé.