Un public jeune et nombreux était au rendez-vous, jeudi dernier, au théâtre international de Hammamet pour suivre la pièce théâtrale yomnaôu houna (interdit ici), écrite et mise en scène par Hatem Hchicha. Jouée par les comédiens Sofiène Dehich et Sami Mezghanni, la pièce, qui s'inscrit dans le genre comique, dévoile les maux de la société tunisienne avant la révolution mais aussi après. Au cours d'une nuit, avec un décor qui se réduit à un dépotoir et des ordures éparpillées sur scène, deux agents éboueurs, alors qu'ils fouillent dans les poubelles publiques, découvrent, petit à petit, les secrets d'une société minée. A travers les résidus ménagers d'un médecin, d'un juge, d'un poète ou d'une voyante, ils présentent au public les affres d'une société malade sur tous les plans‑: politique, social, économique… créant de la sorte des scènes comiques renforcées par le contraste flagrant au niveau physique et moral des deux protagonistes. Un contraste mis en relief par une apparence crédule et une corpulence ridicule qui nous rappellent les inséparables Laurel et Hardy, mettant en relief la maigreur du premier et la rondeur du second. Malgré cette apparence crédule, ils entrent dans un débat intéressant et tiennent même un discours d'ordre «philosophique», abordant plusieurs thématiques à valeur universelle telles l'égalité,la justice, la démocratie… Imitant le discours des hommes du pouvoir, ou des politiciens, ils mettent le doigt sur la corruption sociale, politique, l'usurpation et plusieurs autres aspects d'une Tunisie malade du règne du déchu Ben Ali. Avec le recours à des gestuelles particulières, des jeux de mots, des néologismes, les acteurs Dahech et Mezghanni ont mis en relief des problèmes fondamentaux, qui touchent toutes les catégories sociales, ainsi qu'une critique de certains comportements typiques du citoyen tunisien. Marquée d'une touche ironique inspirée et nourrie d'un vécu commun, la pièce, qui se présente comme une satire des mœurs, un miroir reflétant la réalité, peut être considérée également comme un appel à la société et à ses composantes afin qu'elle réagisse contre toute forme d'obscurantisme, d'oppression et de soumission.