C'est peut-être une première qu'un festival d'été se hasarde à programmer une performance d'acteur et un happening. C'est aussi inhabituel qu'on accorde de l'importance à un autre genre que le théâtre comique ou populaire et qu'on offre l'opportunité à un public différent de découvrir un théâtre différent. C'est ce qui a été fait jeudi dernier, à El Abdellia avec «Padam …padam», un monologue/performance signé notre collègue et non moins comédienne, Souad Ben Slimane. Au fait, cette courte pièce de 30 minutes a été réfléchie et conçue pour la dernière édition de «Dream city», le festival des arts contemporains, un festival qui investit plusieurs lieux, bâtisses et ruelles de la Médina de Tunis et c'est sur les lieux mêmes que les histoires (performances) naissent. Son Marcel, alias Mongi, l'appelait la Môme, elle ressemble à Piaf et elle fredonne «Padam …Padam». Souad Ben Slimane endosse la robe noire de son personnage qui se prend pour Piaf et pleure son amoureux mort dans un accident de la route. Un choc émotionnel qui lui a fait perdre la raison, elle arpente l'espace, aborde les gens pour leur parler, à sa manière, de la ville, de la révolution, du débat politique, des élections et des accidents de circulation qui tuent les gens … Souad Ben Slimane a jugé, donc, utile de délocaliser sa création et l'adapter à d'autres espaces, comme c'était le cas à El Abdellia et, peut-être, que d'autres vont suivre et surtout la sortir de son contexte initial (les espaces de Dream city), ce qui est, en soi, une entreprise à risque, et pour cause. En dehors du fait que le festival de Carthage ait programmé cette performance, on dirait qu'aucun autre investissement n'a été fait pour créer chez le public la curiosité nécessaire pour aller découvrir une forme de création nouvelle et peu commune chez nous. Ce qui a fait que le public présent était exclusivement averti et déjà initié, ayant fait le déplacement spécialement pour découvrir la performance de Souad Ben Slimane. Il aurait certainement fallu réfléchir à une manière aussi originale que le spectacle pour attirer d'autres spectateurs assoiffés de nouveautés et à qui l'info n'arrive pas forcément. Sur la demi-heure que dure la performance, Souad Ben Slimane nous offre une palette d'émotions, arrive à nous transmettre quelque chose d'étrange, quelque chose où se mélangent le plaisir de voir une comédienne s'épanouir en faisant rêver les gens mais aussi le long chemin encore à parcourir pour arriver à une nouvelle vision de l'art et de l'artistique, au-delà du galvaudage et du remplissage, afin que l'art conceptuel arrive à un nombre plus important de gens et qu'on puisse dire, enfin: «on a fait notre révolution… culturelle».