MOSCOU (Reuters) — Beaucoup de Russes ont manifesté, lundi, pour la première fois contre l'emprise de Vladimir Poutine, qui fédère contre lui des opposants divers et revigorés par les événements des derniers jours. Vingt-quatre heures après l'annonce des résultats d'élections considérées par des opposants comme les plus truquées de la Russie post-soviétique, quelque 5.000 personnes se sont rassemblées sur un boulevard du centre de Moscou, dénonçant la fraude et demandant le départ de Poutine. Son parti, Russie Unie, a réalisé son plus mauvais résultat depuis son arrivée au pouvoir en 1999 mais il a conservé la majorité absolue à la Douma. Les manifestations signalent-elles, ou sont-elles une éruption de colère isolée et sans lendemain? L'ampleur de la manifestation de lundi, suivie par une autre plus modeste mardi, a surpris jusqu'à ses organisateurs. Parmi eux figurent des opposants de longue date, aux opinions et aux objectifs souvent divers. Boris Nemtsov, ancien membre libéral du gouvernement écarté de la vie politique durant la présidence Poutine, entre 2000 et 2008, est devenu l'un de ses critiques les plus acharnés. Ilia Yachine est un jeune militant prisé des médias, dont le mouvement de jeunesse de Vladimir Poutine est la cible préférée. Evguenia Chirikova émerge comme une figure du militantisme environnemental depuis qu'elle s'est opposée l'an dernier au projet gouvernemental de raser une partie de la forêt de Khimki pour y faire passer une autoroute. Alexeï Navalni est un blogueur nationaliste qui accuse de corruption plusieurs grandes entreprises russes et dont la formule «Russie Unie, parti des escrocs et des voyous», a beaucoup de succès. Pour cette opposition éparse qui perdait espoir ces dernières années la rue pour la première fois lundi. Ils étaient pour la plupart jeunes et peu politisés. «Je suis allé manifester hier et je pensais qu'aucun de mes amis ne viendrait, mais dix d'entre eux en ont entendu parler par différents moyens et sont venus», dit Mitya, un étudiant qui fait le pied de grue devant le commissariat où est retenu Alexeï Navalni, arrêté durant la manifestation. Au lieu de passer leur chemin devant la manifestation, de nombreux Moscovites se sont arrêtés spontanément pour observer puis la rejoindre. «C'était spontané, ça reflétait l'humeur du moment, tout le monde est fatigué de tout», dit Alexeï Malachenko, de l'institut de recherche Carnegie Moscow Center. «Ils ne criaient pas contre Russie Unie mais contre Poutine», relève-t-il. La popularité du Premier ministre demeure élevée malgré la chute qui a accompagné l'annonce de sa candidature à la présidentielle de mars prochain, qu'il devrait remporter haut la main. Mais plusieurs opposants politiques pensent que ces élections législatives et les accusations de fraude qui l'accompagnent ont marqué un tournant dans le règne de Poutine. «Je dis depuis longtemps que s'il n'y a aucun moyen civilisé de changer ceux qui sont au pouvoir, cela passera par la rue», dit Guennadi Goudkov, avocat membre du parti Russie Juste, arrivé troisième des législatives. Alexander Averine, du groupe Autre Russie, veut s'inspirer du «printemps arabe». «Les expériences dans le monde montrent que le changement et la chute d'un régime arrivent après des manifestations massives en période électorale ou sont inspirés par les conséquences des élections», dit-il. «Les autorités en ont peur et nous devons continuer» C'est ce qu'ont fait plusieurs centaines d'opposants mardi soir, mais ils ont constaté la chute du nombre de manifestants et la détermination de la police à les dissuader de manifester. Deux cent cinquante personnes ont été arrêtées, dit la police, et les opposants ont été harcelés par des centaines de jeunes favorables au Kremlin. Pour Malachenko, l'importance de ce mouvement ne doit pas être exagérée. «Il est très intéressant et important que ce soit arrivé, mais ce sera peut-être une exception», dit le chercheur. Poutine dépose son dossier de candidature MOSCOU (Reuters) — Le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, a déposé hier, au siège de la Commission électorale centrale à Moscou, son dossier de candidature à l'élection présidentielle du 4 mars 2012. Poutine, 59 ans, a été président de la Fédération de Russie de 2000 à 2008. S'il est élu en mars, il pourrait passer encore douze années à la tête du Kremlin. Son parti, Russie Unie, a réalisé aux élections législatives de dimanche son plus mauvais résultat depuis son arrivée au pouvoir en 1999 mais a conservé la majorité absolue à la Douma.