On s'attendait, comme à l'accoutumée, à des déclarations fortes, des prises de position claires et percutantes. Rien de tout cela. Pour l'occasion — le 63e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme — et considérant le contexte — une situation au bord de la faillite sur le plan économique et houleuse sur le plan politique —, la conférence de presse de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme a été sans grand relief. Les journalistes ont été convoqués pour prendre connaissance du programme préparé par la Ligue à l'occasion de la Journée mondiale des droits de l'homme, pourtant célébrée cette année dans un contexte particulier, sur fond de révolution et de crise économique et sociale. Pour ces mêmes droits, jeunes et vieux, femmes et hommes, sont descendus dans la rue et certains y sont encore. Un bon nombre de Tunisiens observent des sit-in et des grèves pour revendiquer leurs droits les plus élémentaires. Même le Code du statut personnel, vieux de plus de 50 ans, donne des soucis, et pas seulement aux femmes. Devant le siège de l'Assemblée nationale constituante, militants des droits de l'homme, représentants de partis politiques, d'organisations, d'associations et simples citoyens, chômeurs ou travailleurs lésés, crient haut et fort leur droit à la dignité, à la liberté et à l'égalité, et ne cachent pas leurs craintes de ne pouvoir les recouvrer et concrétiser les objectifs de la révolution. Mais, en examinant de près le programme, ce dernier semble avoir tout de même été conçu pour ne rien laisser au hasard, et surtout pas le travail des élus au sein de la Constituante. Car, pour les membres de la Ligue, «la Constitution doit incontestablement garantir les droits humains». Et, pour cela, tout un programme de mobilisation a été mis au point. Du point de vue de la Ltdh, cette commémoration a un sens très particulier, si particulier qu'elle est marquée par le lancement d'un programme d'action à court, moyen et long termes, qui vise la diffusion et l'ancrage de la culture des droits de l'homme dans toutes les régions tunisiennes, au sein de toutes les catégories sociales et auprès de toutes les catégories d'âge. Requête d'observateur à l'ANC ? «Nous avons programmé jusqu'à la fin de ce mois de décembre des conférences régionales. La première a eu lieu à Gafsa jeudi dernier ; un séminaire a lieu à Tunis le 10 décembre et des rencontres périodiques sont prévues avec les élus de l'ANC dans leurs régions respectives : tout cela pour expliquer à tous et à toutes l'importance de la constitutionnalisation des droits de l'homme», explique M. Abdessatar Ben Moussa, président de la Ligue, au cours du point de presse organisé hier au siège de la Ltdh. Les membres du comité directeur de la Ligue seront chargés de superviser ces rencontres et d'en assurer le suivi. M. Ben Moussa annonce également que des contacts permanents seront établis avec toutes les autres composantes de la société civile dans le but de coordonner ensemble le travail de suivi des travaux de l'ANC jusqu'à leur achèvement. «La société civile a un rôle déterminant dans la protection de la Constitution contre toutes sortes de dérapages et nous tenons à ce que les droits humains soient intégrés dans le texte de la Constitution», indique-t-il. Et d'ajouter : «Nous tenons à réaliser un travail de fond car l'objectif visé n'est pas ponctuel : il est conçu pour le long terme». C'est pourquoi les membres du comité directeur de la Ligue ont demandé à être reçus par M. Mustapha Ben Jaâfar, président de l'ANC. Il s'agit de lui soumettre une note dans laquelle tous les droits humains ont été indiqués. «C'est juste pour le rappel», souligne encore M. Ben Moussa. Le rendez-vous a été fixé par M. Mustapha Ben Jaâfar à ce matin avant le démarrage des travaux de la Constituante. Le comité directeur de la Ligue a également fait parvenir au président de l'ANC une requête demandant d'accorder le statut d'observateur à la Ltdh au sein de l'ANC. Requête difficile, mais les «confrères» de Moncef marzouki, ex-président de la Ligue, gardent espoir. Pour la circonstance, la Ligue a également procédé à l'impression d'un grand nombre d'exemplaires en couleur de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en arabe et en français, afin de les distribuer dans les collèges et les lycées, avec la contribution du ministère de l'Education. Après les longues années de répression et la révolution du 14 janvier, les membres de la Ligue ont le sentiment d'être en face d'une grande responsabilité, celle de défendre les droits des Tunisiens dans un contexte encore très délicat, celui de la transition démocratique. La nouvelle approche adoptée consiste à concentrer les efforts et à œuvrer avec tous les autres défenseurs des droits de l'homme, les partenaires institutionnels et, surtout, les élus de l'Assemblée nationale constituante, pour suivre en connaisseurs les avancées des travaux de l'ANC et faire en sorte que les acquis soient préservés, comme ceux liés au statut de la femme, que les droits soient renforcés et que la culture des droits de l'homme ne soit pas un simple slogan mais une culture à enraciner dès l'enfance. L'expérience a, en effet, démontré que les acquis en termes de droits ne sont pas toujours irréversibles, même si les principes le sont.