Tout comme faisant suite au Pop-Art, la peinture murale a émergé de la bidimensionalité pour servir finalement d'élément de décoration de l'environnement, en utilisant les espaces publics comme dimension artistique. Une occasion, en fait, pour les fresquistes de donner libre cours à leur fantaisie dans leurs compositions foisonnantes et dans leur assemblage décoratif. En fait, la disparition de la notion traditionnelle de l'Art a conduit à un art dit de l'action et du mouvement. C'est dans ce contexte que de jeunes membres du comité directeur de l'Association «Al Kholdounya» à Tunis viennent de réaliser une très belle fresque murale haute de 70m et large de 30,25 m, et ce, sur le mur extérieur du complexe culturel Assad Ibn El Fourat de Kairouan. Grâce à une étroite collaboration avec le commissariat régional à la culture de la commune de Kairouan, de l'Association des artistes plasticiens et de l'Isam, de jeunes artistes très doués ont passé une dizaine de jours à réaliser, à l'aide de 200 bombes aérosols de peinture colorée, des motifs géométriques variés avec une nouvelle forme de recherche de l'organisation de l'espace environnemental. Il faut dire que tous les moyens matériels ont été mis à leur disposition, à savoir des échelles, des nacelles, des chaises, des pinceaux pour les dernières retouches, des compas, des règles plates et différents supports. Pour l'artiste de renommée internationale El Seed, cette œuvre qui est un mélange de graffitis et de calligraphie, fait partie de l'Art de rue: «En fait, l'initiative de notre association est de sensibiliser les citoyens quant à l'importance d'embellir leur ville, dont les murs ont été enlaidis par les nombreux tags et écritures. En outre, ce projet révolutionnaire a été réalisé en commun par les responsables politiques et la société civile. Voilà une façon de démocratiser l'Art qui n'est plus une plate-forme de l'humanité pathétique, mais il se tourne désormais vers la nature, les phénomènes sociaux, tout en attirant l'attention sur la perception de l'environnement et sur sa signification sur la vie de l'homme». Cet avis est partagé par les jeunes Néjiba et Manel Abben, Chokri Ayari, Cheyma Oukaja, Mohamed et Mahdi Khmili qui trouvent que, après la révolution du 14 janvier, le paysage pictural a retrouvé ses repères: «Cette fresque donne à voir un carnaval pittoresque où le goût artistique et le talent riment ensemble, invitant ainsi les citoyens à rêver de liberté, de démocratie et d'identité. L'art n'est-il pas un incessant renouvellement, et une éternelle matière transformable à souhait?». Notons que cette peinture murale a été très appréciée par le large public, séduit par des formes éclatées et éloquentes, révélatrices de l'affect et de l'imaginaire. A côté de cela, un jeune Canadien, Jean Paul Desjardin, a accompagné ces jeunes et a réalisé 20 heures de vidéo pour une retransmission sur une télévision canadienne.