La relation entre le théâtre africain et les JTC est chargée d'histoire. A chaque session, le théâtre africain a laissé des traces indélébiles et de beaux souvenirs chez les spectateurs tunisiens toujours curieux de savoir davantage sur les nouvelles créations du théâtre subsaharien. Un théâtre authentique alliant souvent différentes pratiques artistiques comme le conte, la danse et d'autres expressions singulières. Un théâtre inspiré des formes traditionnelles mais aussi nourri d'influences occidentales. Ce qui caractérise encore une fois ce théâtre, c'est sa capacité à mettre en valeur le patrimoine local tout en l'habillant d'une certaine forme de modernité, reflet d'un métissage culturel combinant plusieurs genres allant de l'art de la représentation formelle à celles en rapport avec les arts visuels. L'appropriation de ces genres enrichit les créations et leur donne une couleur spécifique qui les fait démarquer de toutes les autres productions du monde. Pour mieux appréhender ce théâtre et ses caractéristiques, la 15e édition des JTC a programmé un certain nombre de pièces qui se distinguent par leur qualité et leur contemporanéité. Le public peut d'ores et déjà découvrir des œuvres se rattachant tant à la mémoire qu'au vécu africain. Le Bénin est représenté par « Le 13e Jour » de la troupe Rênes d'Afrique qui met en scène une femme africaine au passé trouble. Elle rencontre son mari, un Européen, sur un site internet. Puis, elle verra son rêve d'Occident s'évanouir après avoir découvert la véritable identité de son époux. Il s'agit-là d'une réflexion sur plusieurs thématiques comme le mirage européen, l'appât du gain facile et les aléas du mariage mixte. Deux pièces viennent du Sénégal : «L'écho du pas de l'homme» et «Fatma» de la troupe Les voix du Caméléon. Adaptée librement du texte « Tomboctou, 52 jours à dos de chameau », «L'écho du pas de l'homme» traite de l'immigration, le brassage des sociétés humaines ainsi que l'histoire des hommes et leur désir irrésistible de se déplacer, échanger et se rencontrer. «Fatma» raconte l'histoire d'une femme de ménage célibataire confrontée à de multiples pressions. Tantôt ludique, tantôt cocasse, elle évolue entre un quotidien anodin et une gravité philosophique. Du Togo, nous arrive la pièce «Chiche l'Afrique» qui se présente comme un monologue cynique et ludique dans lequel le héros dresse un portrait des dictateurs africains et dénonce leurs affaires et leurs connivences ainsi que le mythe d'une entente désintéressée entre l'Afrique et la France. La Guinée participe avec deux créations : « Le masque du dragon » et « La tragédie de Kankoumba » de la Compagnie Arenk Théâtre Guinée. La première pièce met en scène deux conteuses de tribus différentes, en guerre l'une contre l'autre, sont réfugiées en Europe. Pour gagner leur vie, elles sont obligées de raconter ensemble l'histoire du masque du dragon à un public occidental. La deuxième pièce met en scène trois grandes femmes, grâce à l'abnégation desquelles les hommes qui marquèrent la bataille de Kirina (1235) sont entrés dans la légende. La Côte d'Ivoire nous invite à découvrir deux pièces : «Monsieur dieu et les écervelés» de la troupe I'wothui raconte l'histoire d'un fou qui témoigne des derniers événements sociopolitiques dans son pays. Il dénonce la presse et stigmatise aussi l'implication de l'impérialisme dans les tragédies vécues par l'Afrique. « On se chamaille pour un siège » de la Compagnie N'zrama met en scène les ambitions d'un ancien combattant qui veut devenir député. Construit dans l'esprit du théâtre de boulevard, ce spectacle oscille entre comédie et pédagogie sociale. C'est donc là un panorama de pièces bien inspirées qui contribuent à éveiller les consciences dans cette fête théâtrale toujours renouvelée