Le 4 avril 2011, Juliano Mer-Khamis est assassiné à Jénine. Son théâtre, lui, reste, et c'est son œuvre que le public d'El Teatro et des JTC 2012 a pu découvrir mardi soir. La pièce s'appelle Les chaises, et les chaises, dans le monde arabe, c'est toute une histoire. Ce sont les chaises qui régissent la guerre, la paix et la vie des hommes. L'un d'entre eux, un général retraité (Georges Ibrahim), vit avec sa femme Sémiramis (Nesreen Faour) dans une petite île loin de tout. Dans leur isolement, ils sont en proie à la monotonie de deux êtres qui se sont tout dit, à force d'avoir vécu ensemble. Seulement, les chaises de cette pièce viennent de loin, plus précisément de l'œuvre éponyme du dramaturge franco-roumain Eugène Ionesco (l'un des pères du théâtre de l'absurde), dont l'adaptation est signée Georges Ibrahim. Notre couple va trouver une voie de sortie de cette situation, par le moyen de l'imaginaire et de l'absurde. Ils reçoivent chez eux des invités, de plus en plus nombreux et à qui il faut trouver des chaises, pour que le général leur révèle le message de sa vie. Pour cela, il loue un orateur (Elias Nicolas). Ce dernier s'avère être muet. Les invités, quant à eux, ne sont pas réels. Avant que l'orateur ne s'exprime, le couple se sera suicidé en se jetant, de deux fenêtres opposées, dans la mer. Ainsi, cette œuvre pose le problème de l'existence. Comment faut-il vivre ou que faut-il faire dans/de sa vie pour exister vraiment. Ces deux personnages sont comme dans une autre dimension. Ils s'inventent d'ailleurs des vies et des souvenirs pour se donner l'impression d'avoir vécu et existé. Ils le font parfois à deux, souvent chacun de son côté. Ils finissent par chercher un sens à leurs vies dans la mort, qui est peut-être un nouveau départ, voire la découverte d'un monde plus heureux. C'est une pièce sérieuse et profonde dans sa réflexion existentielle sur l'absurde et le néant qui marquent la vie des Hommes. Une adaptation qui se veut à l'image d'un réel que l'on ne devrait jamais arrêter de questionner et dont le secret semble rester entier. Comme on peut s'interroger sur le choix de faire du «vieux» d'Ionesco un général et d'appeler «la veille» Sémiramis, en référence à la légende de la fondatrice de Babylone.