Un mois exactement après la fin de sa mission à la tête du premier gouvernement provisoire,M. Béji Caïd Essebsi a rendu public un document qu'il a défini comme étant une «initiative», en réaction aux menaces planant sur les acquis de la révolution tunisienne. L'élaboration de la Constitution et la fixation de la date d'élection des institutions permanentes du pouvoir sont au cœur des reproches émis à l'encontre de la Constituante. Rappelant qu'il s'agit d'un engagement prévu par le décret n° 1086 de l'année 2011, en date du 3 août 2011 et qui sera réitéré à travers le pacte signé par onze partis, au sein de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, le 15 septembre 2011, M. Caïd Essebsi recommande aux élus de rattraper les divers atermoiements à ce propos qui risquent selon lui de fomenter la crise de confiance émaillant les rapports politiques et entraînant, en conséquence, la série des troubles politiques, économiques et sociaux dans le pays. Nous avons contacté M. Béji Caïd Essebsi pour en savoir plus sur les motivations de cette déclaration. Interview express. Quelle est la motivation de votre déclaration? C'est suite à la déclaration du Premier ministre devant l'Assemblée nationale constituante et qui a brossé un tableau inquiétant de la situation dans laquelle se trouve la Tunisie que j'ai senti le besoin d'émettre cette déclaration. Même si l'on se trouve en dehors de cette situation, on ne peut s'empêcher d'être préoccupé. Tout en convenant qu'il est nécessaire d'accorder au gouvernement suffisamment de temps pour accomplir son travail, j'estime qu'il est aussi indispensable, dans cette situation exceptionnelle, de chercher à établir un consensus. Certes la Constituante a été élue, mais les débats autour des délais et même le vote à propos de l'organisation des pouvoirs ont été escamotés. Vous semblez insister sur la nécessité de fixer un délai pour les élections, alors que les termes du consensus auquel vous appelez ne sont pas encore clairement établis et que l'Instance supérieure indépendante des élections n'a pas encore été reconduite, officiellement... Il faut absolument fixer ces délais. Il y va de la crédibilité de l'Assemblée nationale constituante. Les élections ne sont autres qu'un contrat de mandat entre les élus et les électeurs. Si on élude cette clause, cela équivaut à une défaillance. Dans le gouvernement que j'ai dirigé, nous avions fixé un premier délai et, lorsque l'Isie s'est prononcée pour le report , nous le lui avons accordé. Dans votre déclaration, vous reprochez à la Constituante un certain flou et une confusion dans les attributions, qu'insinuez-vous par là? L'Assemblée nationale constituante a été élue pour rédiger une Constitution. Elle se comporte, j'en ai l'impression, comme une Assemblée législative et c'est une dénaturation de la fonction de la Constituante. Le Destour provisoire a pris plus de temps qu'il ne fallait. Il aurait pu être rédigé assez rapidement. Pouvez-vous citer quelques formations politiques qualifiées pour intégrer le pôle centriste et réformiste auquel vous appelez ? Il s'agirait de tous ceux qui rejettent la violence et qui croient en la réforme en vue de créer les conditions favorables à l'alternance. Vous avez émis, dans votre déclaration, des propositions qui, pour un chef de gouvernement provisoire sortant , dénoteraient peut-être l'intention d'un retour à l'exercice politique. Est-ce à dire que vous vous représenteriez lors des prochaines élections ? Ma déclaration m'engage politiquement et moralement aussi. Je n'ai nullement l'intention de me représenter. Cela n'a rien de personnel. Le fait est que j'estime que la confirmation du succès de la prestation du gouvernement de transition que j'ai dirigé, dépend de celui du second gouvernement de transition. Par conséquent, il m'importe que l'actuel gouvernement réussisse dans sa mission. Pour rassembler les forces opposées à l'extrémisme L'alternative Essebsi L'ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi a appelé, mercredi, les forces politiques et intellectuelles qui refusent l'extrémisme et la violence à se rassembler autour «d'une alternative» pour garantir une alternance pacifique au pouvoir sans laquelle la démocratie ne peut se réaliser. «La recrudescence de l'extrémisme et de la violence a mis en péril les libertés publiques et individuelles», a averti M. Essebsi, appelant à «un dialogue national» afin d'entamer une nouveau processus de transition qui sera couronné par la future Constitution. M. Essebsi a critiqué l'Assemblée constituante qui serait, selon lui, «responsable d'un manque de confiance politique» qui risque d'aggraver les dangers qui menacent la sécurité, l'économie et la situation sociale en général, a-t-il dit. La rectification de ce processus commande, a-t-il encore soutenu, l'élaboration «d'une feuille de route» qui limite la durée du mandat de l'Assemblée constituante et du gouvernement à une seule année. Il a aussi appelé à entamer l'élaboration de la Constitution et les préparatifs pour l'organisation de nouvelles élections le 23 octobre 2012.