La diffusion d'une photo controversée dans laquelle paraît un footballeur allemand d'origine tunisienne avec sa femme, quasi nue, à la Une du journal Attounisia, a provoqué une grande polémique sur la question du respect de la déontologie et de l'éthique, à l'heure où les médias sont victimes de plusieurs accusations... Le directeur du quotidien Attounssia, Nasreddine Ben Saïda, ainsi que le rédacteur en chef, Habib Guizani, et le journaliste Mohamed Hedi Hidri ont fait l'objet d'une arrestation avant hier. Mais on a appris, hier, en soirée que, alors que le rédacteur en chef et le journaliste ont été mis en liberté conditionnelle, le directeur a été transféré en prison. D'après des sources fiables, le directeur d'Attounissia aurait avoué lors des premières investigations que c'était lui le responsable de la publication de la photo controversée. En effet, le journaliste ainsi que le rédacteur en chef l'auraient prévenu du caractère délicat du sujet, mais il aurait décidé d'assumer la responsabilité de la publication. Rappelons que le procureur de la République avait ordonné d'ouvrir une enquête judiciaire suite à la parution, mercredi, d'une photo considérée comme immorale et comme une atteinte aux bonnes mœurs. Le journal, de son côté, a été retiré des kiosques. En effet, et après avoir été maintenus en garde à vue dans les services de protection des mœurs à Bouchoucha, mercredi soir, le directeur du journal dudit quotidien, Nasreddine Ben Saïda, le rédacteur en chef, Habib Guizani, ainsi que le journaliste Mohamed Hedi Hidri, ont été interrogés, hier, par le juge d'instruction. «Les arrestations, remarque l'avocat de la défense Khaled Krichi, ont été lancées en vertu du troisième paragraphe de l'article 121 du code pénal alors que, logiquement, on aurait dû intervenir sur la base du décret-loi n° 115 relatif à la liberté de la presse, d'impression et d'édition». De même, le membre du bureau exécutif du Syndicat national des journalistes tunisiens(Snjt), Mongi Khadhraoui, affirme que ledit article du code pénal concerne les tracts et les écrits, et non les journaux. «C'est une loi, remarque-t-il, qui a été lancée à l'époque de l'ancien régime pour contrer tout genre d'opposition». Ajoutant : «Quand il s'agit d'édition et de journaux, il faut recourir au code de la presse qui régit ce domaine. Cependant, on n'a pas de règles bien déterminées concernant la déontologie et les critères qui décident de ce qui est correct et de ce qui ne l'est pas sur ce plan. C'est vrai que la photo publiée à la Une du journal Attounissia a des insinuations sexuelles, mais on doit traiter cette faute comme une faute professionnelle et non en tant que crime». Plusieurs avocats étaient venus, hier matin, devant le Palais de Justice pour apporter leur soutien aux accusés. De même que les journalistes dudit journal et certains membre du Snjt. Presse : situation délicate Pour Zied El Héni, autre membre du bureau exécutif du Snjt, cette affaire coïncide avec une période «où il y a un certain extrémisme». Il ajoute : «Certains extrémistes s'emportent contre les médias, les taxant de médias athées et les accusant de ‘‘prostitution''. Ce sont des injures qui sont renforcées par des appels à agresser les journalistes physiquement. Ce qui, à mon avis, est très grave. Cette photo vient verser de l'eau dans le moulin de ces gens hystériques». Selon lui, une telle faute doit être traitée dans un cadre professionnel, à l'instar du Snjt ou de l'Association tunisienne des directeurs de journaux, ou encore le syndicat des directeurs des établissements médiatiques. «La procédure actuelle, remarque-t-il, a engendré une humiliation des journalistes et des responsables du journal Attounissia et de nous tous, les journalistes. Il est impératif de mettre en place une instance spécialisée dans les affaires des médias au sein de la justice. Aussi, cette faute prouve-t-elle la nécessité d'élire des conseils de rédaction dans les différents journaux, dont notamment ceux qui relèvent du privé». De telles fautes, plus ou moins graves, pourront se reproduire dans d'autres médias. D'ici là, on se demande pour quand on verra le code de la presse promulgé dans une version plus moderne et exhaustive. Les directeurs de journaux appellent à la libération des journalistes emprisonnés Les directeurs de journaux ont appelé hier à la libération des journalistes d'Attounissia arrêtés la veille suite à la publication, à la Une du quotidien, d'une photo jugée «immorale». L'association des directeurs de journaux a fermement critiqué, dans une déclaration, l'arrestation de trois journalistes : Nassreddine Ben Saida, Habib Guizani et Mohamed Hedi Hidir. Cette arrestation est «une atteinte directe à la liberté d'information et une menace pour les journalistes et la liberté de la presse», ont souligné les directeurs de journaux. L'association a appelé le gouvernement, les partis politiques et la société civile à «la vigilance et à défendre la liberté d'information et d'expression».