Par Jawhar CHATTY Il m'en souvient cette réflexion faite il y a quelques années par un haut responsable de la Banque mondiale au gouvernement tunisien : « Puisque vous dites que tout va bien, vous n'avez alors plus besoin de notre soutien». A force d'exhiber et de proclamer le modèle tunisien comme un exemple à suivre, de soutenir, avec une rare suffisance qui frisait parfois le ridicule, que la Tunisie est arrivée à un tel niveau de développement au point de lui permettre de se passer de l'appui financier international, les bailleurs de fonds, la Banque mondiale en tête, ont fini par s'en exaspérer, considérant que puisque c'est ainsi, leurs appuis iraient, désormais, vers d'autres pays beaucoup moins lotis que la Tunisie. A dire vrai, la Banque mondiale elle-même avait entretenu l'arrogance du gouvernement tunisien de l'époque. Les différents rapports de l'institution de Bretton Woods et de sa sœur jumelle, le FMI, ne tarissaient pas d'éloges quant aux performances du modèle tunisien de développement. A l'époque, la Tunisie était considérée « un bon élève » par ces mêmes institutions au point que la Tunisie avait fini par y voir une connotation péjorative propre à remettre en cause la souveraineté de ses choix de développement. Sauf à croire que les bailleurs de fonds fondaient leur appréciation sur le seul fait que la Tunisie n'ait jamais demandé le rééchelonnement de sa dette, le capital confiance dont jouissait le pays auprès de ces institutions et des agences internationales de rating avait tout l'air du surfait. Aujourd'hui, on est dans une configuration différente avec, côté tunisien, de nouveaux acteurs et des deux côtés de la scène, des rôles interchangés. A l'arrogance et à l'autosuffisance d'autrefois, ont succédé le pragmatisme et le réalisme d'un gouvernement tunisien qui se trouve aujourd'hui dans une situation de quémandeur. En face, des bailleurs de fonds qui font la moue et se montrent parcimonieux en dépit des promesses et de leur conscience de l'urgence et des grands défis, en termes de création d'emplois, de développement régional et de progrès social, qui se posent à présent à la Tunisie. Pourtant, ces mêmes institutions savent que le rebond de la croissance est inéluctable en Tunisie, que la révolution tunisienne est foncièrement porteuse au moins de cette valeur sûre pour les bailleurs de fonds et les investisseurs, à savoir la transparence. Une transparence qui ne peut qu'être porteuse d'une belle plus-value et d'un bon retour sur investissement. Disons, en outre, au passage, que là où certains voient dans la posture de quémandeur du gouvernement comme quelqu'un qui demande de l'aumône, il faudrait plutôt y voir une preuve de lucidité... Une lucidité qui toutefois devrait amener le gouvernement provisoire à assainir le climat de l'investissement et à surtout présenter auprès des bailleurs de fonds qu'il sollicite, un programme clair et des projets pertinents. Cela aura au moins le mérite d'éviter à la Tunisie quelques remontrances à peine dissimulées sous un flot de subtilités et de jargon diplomatique : «Le gouvernement tunisien provisoire a besoin d'un peu de temps pour pouvoir concrétiser ses plans d'action», a avancé Jayed Talat, directeur exécutif à la Banque mondiale, actuellement en visite de travail en Tunisie. A l'issue de la rencontre qu'il a eue hier avec Riadh Bettaib , ministre de l'Investissement et de la Coopération internationale, M. Jayed Talat a fait état de «sa disposition à convaincre la Banque mondiale pour qu'elle soutienne davantage la Tunisie ». A méditer....