Par Abdelhamid GMATI L'Assemblée nationale constituante débattra, demain vendredi, de la situation sécuritaire dans le pays. Trois ministres prendront part au débat. Il était temps que les élus s'intéressent à l'insécurité qui sévit depuis quelques semaines et prend de l'ampleur sans que le gouvernement y remédie. Ce qui s'est passé, en un seul jour, dimanche dernier, sur l'avenue Bourguiba à Tunis, ne pouvait être passé sous silence, malgré la tentative de quelques responsables de minimiser, voire d'ignorer, les faits. Ainsi une manifestation d'islamistes, supposée être consacrée à l'instauration de la charia, s'est transformée en un mouvement agressif de vociférations, d'insultes, d'appels à la violence, à la haine et au meurtre. Des prédicateurs ont invité leurs fidèles à «se préparer pour tuer les juifs», à assassiner l'ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi et à s'en prendre aux «laïques» qualifiés de mécréants. Un groupe s'est dirigé vers le Théâtre municipal où les artistes tunisiens fêtaient la Journée mondiale du théâtre et les a agressés verbalement et physiquement les bombardant de pierres, d'œufs, de savates et même de morceaux de métal tranchant. Tout cela, au vu et au su de la police pourtant présente en nombre. D'autres salafistes ont encore osé accrocher leur drapeau noir. Réactions des autorités : le ministère de l'Intérieur a estimé «qu'aucune violence n'a été enregistrée», en dépit des témoignages des participants; le ministère de la Culture s'est contenté d'un communiqué condamnant les agressions (admirons la contradiction entre les membres d'un même gouvernement); le ministère des Affaires religieuses a lui aussi condamné l'appel au meurtre à l'encontre des juifs tunisiens et à chercher à défendre le prédicateur, fonctionnaire de ce ministère, qui avait appelé à l'assassinat de l'ex-Premier ministre Caïd Essebsi estimant que ce sieur est «une personnalité respectée et appréciée dans le milieu religieux mais aussi associatif scientifique et islamique grâce à ses nombreuses contributions et ses écrits internationalement reconnus». Conséquences ? Les hommes de théâtre et les hommes de culture sont inquiets et expriment aussi une certaine peur. Même inquiétude et mêmes craintes, exprimées par le président de la communauté juive en Tunisie qui ajoute ne pas «être sûr que le traditionnel pèlerinage de la Ghriba aura lieu cette année». Ce qui serait un mauvais coup pour notre tourisme déjà mal au point. Les enfants de Béji Caïd Essebsi, eux, ont décidé de porter plainte contre le prédicateur attaché au ministère des Affaires religieuses, qui a appelé au meurtre de l'ancien Premier ministre. Certes, ces méfaits ont déclenché une vague de protestations et de condamnations de la part de partis politiques, d'organisations nationales et de personnalités. Certains ministres ont également dénoncé ces actes. Et le gouvernement ne cesse, à chaque fois, de condamner la violence et les appels à la haine et de brandir la menace de «la loi». Mais jusqu'ici, la loi n'a pas été appliquée. Et d'abord, comment se fait il que l'on accorde des autorisations de manifester à des mouvements non reconnus légalement? Ensuite, qu'en est il du droit de tous ceux qui ont été agressés ces dernières semaines? Où sont donc les responsables des agressions contre le drapeau, contre le doyen et les professeurs de la Faculté de La Manouba, contre le cinéaste Nouri Bouzid, contre les journalistes Sofiane Ben Hamida et Zyed Krichen, contre les femmes, contre des personnalités connues comme Hamadi Redissi ou Abdelaziz Mzoughi, etc. ? Les constituants vont, certainement, demander des explications au gouvernement. Il n'est pas question de se contenter des habituelles condamnations «du bout des lèvres». On ne nous fera jamais croire que nos policiers, si efficaces du temps de la dictature, soient devenus incapables de mettre la main sur des délinquants clairement identifiés et dont les photos circulent sur tous les médias. Le gouvernement a besoin d'avoir la confiance des citoyens. A lui de la mériter en commençant par mettre fin à l'insécurité établie par des salafistes qui agissent au vu et au su de tous. Ce serait un début. A moins que...