Le Parti national tunisien, qui a regroupé onze formations politiques à la faveur d'une fusion le 30 janvier dernier, n'est désormais plus que l'ombre de lui-même, après le départ de 7 des anciennes formations qui ont rejoint le parti présidé par Kamel Morjane, «El Moubadara». Il s'agit des formations suivantes : Parti de la nation libre, Parti de l'Unité et de la réforme, l'Union populaire républicaine, Parti la Voix de la Tunisie, le Mouvement progressiste tunisien, le Parti de l'Alliance pour la Tunisie. Le premier cité de ces partis est celui de Mohamed Jegham... Ce dernier tient d'ailleurs à préciser qu'il ne s'agit pas tant de rejoindre un parti que de créer une nouvelle structure regroupant tout ce monde avec Kamel Morjane en tant que président et lui-même, Mohamed Jegham, en tant que secrétaire général. Ce parti s'appellerait très probablement «El Moubadara El-wataniya» ! Quel est le but de cette opération et quelle a été la cause du départ? Car il s'agit ici de deux questions distinctes. Pour ce qui est de la seconde, il faut évoquer le constat d'un certain échec. Du moins est-ce l'avis de M. Jegham : «Nous sentions que l'opération ne marchait pas. Il était convenu dès le départ qu'il n'y aurait pas de président or, au fil du temps, certains se sont mis à se comporter comme des présidents. Nous avons essayé de réparer cela, mais en vain.» Un avis que rejoint M. Lotfi Mraïhi, porte-parole du PNT jusqu'à son départ : «Nous devions être égaux, tous coprésidents, or il y avait des intêrets...» Quant à la première question, elle représente sans doute une réponse au besoin de se regrouper que l'on observe ailleurs, du reste, sur l'échiquier politique : «Notre objectif est d'avoir une place dans le paysage. L'enseignement des élections du 23 octobre est qu'on ne peut peser dans une situation d'effritement», indique M. Jegham, qui précise par ailleurs que, dès le départ, le Parti national tunisien incluait des Destouriens mais aussi des non-Destouriens : «Nous étions réunis autour de l'idée des réformes, celles de Thâalbi, Haddad et Bourguiba... Et des pourparlers existaient avec El Moubadara, qui a gagné des sièges à la Constituante». Bref, ce qui vient de se passer représente le prolongement naturel d'une tendance qui ne date pas d'hier. Rappelons d'ailleurs que le Parti Néo-Destourien de Ahmed mansour a engagé le même mouvement en direction du parti de Kamel Morjane. Mais une autre question qui se pose ici est la suivante : qu'en est-il de l'initiative de M.Béji Caïd Essebsi ? Interrogé au téléphone, l'ancien Premier ministre indique qu'il n'a pas été consulté et qu'il ne dispose «d'aucun élément» à ce sujet : ce qui, en un sens, représente un élément d'information de taille. «Tout regroupement va dans le bon sens», déclare-t-il, sur le ton de la concession plus que de l'assertion. Car il est clair que son «initiative» consistait davantage à rassembler toute la famille «centriste» autour d'une plateforme commune. Ce qui comprend des partis ayant leur propre passé comme le Parti démocrate progressiste et Ettajdid... Le renforcement du parti dirigé par Kamel Morjane à la faveur de ces derniers ralliements n'empêche pas forcément, en théorie, la mise en place d'un rassemblement plus large. D'ailleurs, M. Caïd Essebsi rappelle que ce dernier y est favorable : «Il a été le premier à prendre la parole lors du meeting de Monastir, le 24 mars dernier...» De plus, ajoute-t-il : «Tout le monde est d'accord sur le principe.» Toutefois, comme le fait remarquer l'un de nos interlocuteurs : «Tout l'échiquier est renversé : Morjène devient le maître de la situation... Rien n'est possible sans lui !» Mohamed Jegham lui-même marque une réserve à l'égard de la démarche de l'ancien Premier ministre : «C'est une idée plus qu'une initiative... J'ai beaucoup de respect pour la personne... Il a le souhait de regrouper des gens qui n'ont pas la même référence... Mais qu'est-ce qui empêche que nous soyons ensemble le moment venu ?» M. Béji Caïd Essebsi, qui reconnaît donc qu'il a été hors de toute cette opération, confie : «... Mais je vais y voir de plus près !» Il a sans doute raison...