L'avenue Habib-Bourguiba est interdite aux manifestations. La décision est tombée après les événements du 25 mars. Pour rappel, journée au cours de laquelle artistes et salafistes se sont trouvés face à face. La situation a dégénéré, les esprits se sont enflammés, on a déploré l'agression de quelques artistes, et une escalade de la violence pour aboutir à ce qui a été convenu d'appeler, sur le mode de la fable, «la conquête de l'horloge ». Quelques jeunes n'ont pas trouvé mieux que d'escalader l'horloge de la Place du 14-Janvier, au péril de leur vie, pour planter sur ses hauteurs un drapeau de couleur noire. S'agit-il d'un arrêté ayant force de loi ou d'une simple décision ? Quoi qu'il en soit, il est désormais interdit de manifester sur l'avenue Habib-Bourguiba. Cette avenue emblématique, qui s'est trouvée être le théâtre de la journée fatidique du 14 janvier, est désormais fermée aux manifestants. Le ministère de l'Intérieur s'en défend. Ce n'est pas un arrêté, ce n'est qu'une décision provisoire, motivée par des raisons objectives : permettre aux commerçants de travailler dans des conditions normales, assurer la sécurité des citoyens qui empruntent cette artère principale de la capitale, dégager le circuit touristique qui mène de l'avenue vers les souks et garantir la libre circulation des véhicules. De même, ajoute le représentant du ministère, cette interdiction ne concerne que l'avenue Habib-Bourguiba : sur l'ensemble du territoire, le droit de manifester est maintenu. Hier, cette décision a été remise en cause par un groupe de manifestants représentés notamment par l'Union des diplômés chômeurs (UDC) qui tentaient de marcher sur l'avenue Bourguiba. Cette manifestation a été violemment dispersée par les forces de l'ordre, confirmant ainsi la décision d'interdiction en ce qui concerne cette artère symbolique. Le même scénario se produira-t-il demain, 9 avril, fête des Martyrs, où des appels à manifester ont été massivement relayés sur les réseaux sociaux, malgré l'interdiction ? Contacté pour apporter son témoignage, le coordinateur général du réseau Dostourouna, Jawhar Ben M'barek, qui est l'un des principaux acteurs ayant appelé à célébrer la fête des Martyrs dans la rue, précise que la décision du ministère n'est pas valide parce que non publiée sur le Jort, et du coup non attaquable en justice. Il s'agit selon sa propre expression d'«une voie de fait». Ainsi, plus que l'expression d'un malaise ou de revendications, c'est un véritable bras de fer qui semble être engagé entre la société civile et l'Ugtt d'un côté et, de l'autre, le ministère de l'Intérieur qui entend faire respecter sa décision, aussi verbale soit-elle !