Comment l'Association des magistrats tunisiens (AMT) et le Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) conçoivent-ils la création de l'Instance provisoire pour la magistrature? Comment voient-ils sa composition, les prérogatives qui lui seront accordées et la personnalité qui aura la charge de la présider ? Ces deux interrogations s'imposent, d'autant plus que lors de la première réunion de la commission consultative chargée de la mise au point du projet de création d'une instance indépendante provisoire pour la magistrature, tenue le samedi 21 avril au ministère de la Justice, les participants ont eu l'opportunité de découvrir dans le dossier qui leur a été soumis deux projets, l'un portant la signature de l'AMT et comportant 58 articles, déposé auprès du ministère de la Justice le 25 février, le second, celui fourni par le SMT et comportant 97 articles (le projet ne porte pas la date à laquelle il a été introduit auprès du ministère). Quelles similitudes portent les deux projets et quels points d'accord ou de désaccord comportent-ils ? Composition et attributions Commençons d'abord par préciser que les deux projets contiennent six chapitres répartis comme suit : dispositions générales, composition de l'Instance supérieure pour la magistrature, élection des membres de l'Instance supérieure de la magistrature, gestion de l'Instance supérieure pour la magistrature, fonctions de l'Instance, et dispositions diverses. Pour ce qui est de la composition de l'instance, le syndicat précise dans l'article 2 de son projet que «l'Instance provisoire est composée de magistrats de différents degrés en exercice et élus par leurs collègues au suffrage direct, libre et secret». Quant au projet de l'AMT, il précise dans son article III ce qui suit : «Est constituée une instance publique provisoire composée de magistrats élus appelée l'Instance supérieure pour la magistrature, qui remplacera le Conseil supérieur de la magistrature judiciaire et aura pour mission d'assurer l'indépendance du pouvoir judiciaire». Volet élection des membres de cette nouvelle instance, le Syndicat des magistrats précise, dans l'article 6 de son projet, que «les membres de l'Instance provisoire indépendante pour la magistrature sont élus au suffrage universel, libre et direct en un tour sur la base du scrutin sur les personnes, d'une manière secrète, à la majorité, conformément aux principes de la démocratie, d'égalité, d'honnêteté et de transparence». De son côté, l'association stipule dans l'article 7 de son projet : «Assure la préparation des élections de l'Instance supérieure pour la magistrature et conduit l'opération électorale un comité élu par les magistrats lors d'une assemblée générale convoquée par le premier président de la Cour de cassation, dans un délai maximum de 15 jours après la promulgation de la loi portant création de l'instance. Ce comité porte l'appellation de comité des élections». Comment se présente la composition de la prochaine instance ? Le chapitre II du projet de l'AMT, intitulé «Composition de l'Instance supérieure pour la magistrature» comporte un article entier, l'article 6, détaillant les conditions de composition de l'instance. On y lit notamment : «L'instance est composée de six magistrats appartenant au 3e degré, de sept magistrats de deuxième degré et de huit magistrats de premier degré. Ils sont élus par l'ensemble des magistrats. Les membres de l'instance élisent parmi eux un président et un vice-président appartenant obligatoirement aux magistrats de 3e degré. Ils élisent également un rapporteur général et un porte-parole officiel lors de la première réunion que l'instance tient après son élection. Les membres de l'instance pratiquent leurs fonctions en s'y consacrant entièrement, chacun d'eux préservant tous les droits matériels dont il bénéficiait avant son élection». En contrepartie, le projet proposé par le Syndicat des magistrats tunisiens consacre trois articles (52, 53 et 54) à la composition de l'instance dans l'article 52. On découvre ce qui suit : «L'Instance provisoire pour la magistrature est présidée par le premier président de la Cour de cassation». L'article 53 stipule : «L'instance provisoire est composée du haut comité des magistrats, du conseil de discipline et du comité général des affaires de la justice». Quant à l'article 54, il stipule : «L'Instance supérieure pour la magistration se compose, lors de la désignation, de la promotion des magistrats et de leur mutation des membres suivants : – Le premier président de la Cour de cassation. – Le procureur général près de la Cour de cassation. – Le président du Tribunal immobilier. – Six magistrats du premier degré élus par leurs collègues bénéficiant du même degré. – Six magistrats appartenant au deuxième degré élus par leurs collègues ayant le même degré. – Six magistrat du 3e degré élus par leurs collègues du même degré. Quelles fonctions pour l'Instance provisoire? Le projet de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) réserve 7 articles (de l'article 24 à l'article 30) pour expliciter les fonctions incombant à l'Instance provisoire pour la magistrature. Ainsi, selon l'article 24, «l'instance exerce ses fonctions, par le biais d'un conseil de discipline et de commissions dont la composition et les attributions sont définies dans le règlement intérieur de l'instance». Dans l'article 25, on lit que «c'est l'instance qui désigne les magistrats, décide de leur promotion et de leur mutation». Dans l'article 27, on lit : «L'instance examine les demandes de démission, de levée d'immunité des magistrats et de récupération des droits. Elle statue également sur la désignation des attachés judiciaires diplômés de l'Institut supérieur de la magistrature». Les articles 28, 29 et 30 du projet traitent des listes des postes où il y a vacance des demandes de promotion, de mutation et de candidature à des postes de responsabilité et enfin de l'annonce du mouvement annuel dans le corps de la magistrature, dans un délai ne dépassant pas le 15 juillet de chaque année. Quant au projet proposé par le Syndicat des magistrats tunisiens (SMT), il consacre l'ensemble de son quatrième chapitre (de l'article 65 à l'article 74) aux fonctions et attributions de l'Instance provisoire indépendante pour la magistrature. Dans l'article 65, il est clairement indiqué que «la désignation, la promotion et la mutation des magistrats sont effectuées sur ordre du chef de gouvernement, sur la base d'un avis similaire de l'Instance supérieure de la magistrature». L'annonce des sièges vacants doit être effectuée, selon l'article 66, dans un délai maximum à la fin février de chaque année, alors que l'article 68 précise que l'instance est appelée «à rédiger chaque année le registre de promotion par échelle, celui des postes de responsabilité et celui de la promotion automatique et procède à sa diffusion dans le Journal officiel de la République tunisienne (Jort) et sur le site web relatif à l'instance». Les articles 70, 71 et 72 s'intéressent au mouvement annuel dans le corps judiciaire, aux demandes de mutation et aux demandes de démission qui doivent être présentées par écrit.