Le parti Ennahdha a lancé à ses bases un appel à participer aux manifestations du 1er mai. Le pouvoir, visiblement, ne compte pas laisser la rue à une opposition qui, depuis le 20 mars, a pris l'habitude de sortir avec la volonté exprimée de «s'approprier les fêtes nationales». Le mercredi 25 avril, Adnan Mansar, porte-parole de la Présidence de la République, a appelé sur une chaîne de télévision à des défilés unitaires des différentes forces politiques et sociales à l'occasion de chaque fête nationale. Pour lui, «l'opposition n'a pas à s'approprier les fêtes nationales pour lancer des manifestations qui divisent les Tunisiens au lieu de les unir». Pour le 1er mai, justement, plusieurs composantes de l'opposition ont appelé à manifester, dont une trentaine d'associations ainsi que le réseau Doustourna, le Parti Al Joumhouri et plusieurs autres partis de l'opposition, de même que l'organisation syndicale, l'Ugtt. Et les autorités dans tout ça : ne craignent-elle pas que ces fêtes se transforment en vastes mouvements de contestation? Après avoir tenté d'interdire l'avenue Habib-Bourguiba aux manifestants, changeraient-elles de tactique en tentant de diluer les manifestants sous couvert d'unité nationale ? L'Avenue Habib-Bourguiba intra-muros, lieu de tous les enjeux, a été «organisée » par le ministère de l'Intérieur en prévision du 1er mai. Et son verdict est sans appel : «Nous n'avons livré que deux et seulement deux autorisations de défiler : à l'Ugtt et à l'UTT, avec des horaires différents et des parcours distincts », tranche M. Tarrouche, porte-parole du ministère. Quant aux appels croisés des partis politiques et de la société civile, le ministère de l'Intérieur se défend de tout accord : «Il faudra demander à leurs auteurs, nous ne sommes pas concernés», assène-t-il. Les partis de l'opposition seront présents «Nous sommes dans le mouvement général, lance en confirmant la participation de son parti M.Faouzi Ben Abderahmane, membre du bureau exécutif du parti Al Joumhouri, et nous adhérons aux valeurs du travail, contre les abus et pour les libertés. Ce sont les fondamentaux de la République que de rendre hommage aux travailleurs tunisiens», enchaîne-t-il. Quant à la question de savoir comment associer les contraires sans risque de débordements, puisque des partis du pouvoir et de l'opposition seront présents, M. Ben Abderrahmane estime que c'est au ministère de l'Intérieur de mettre un terme à toute cette violence verbale et physique qui a gagné en ampleur chez nous depuis un certain moment. Il s'insurge contre ces groupuscules radicaux qui ont pris pour habitude de gâcher chaque fête nationale, et chaque regroupement des Tunisiens. La fête du Travail est une fête de tous les Tunisiens, et il serait dommage de la rater une fois encore. Le schéma démocratique, conclut M. Abderahmane, qui n'a pas encore été assimilé, requiert la responsabilisation de tous dans un esprit d'adhésion aux valeurs républicaines, en exprimant en parallèle toute la solidarité de son parti avec les journalistes et son attachement à l'indépendance du secteur de l‘information. « Notre participation se fera sous le signe de l'unité nationale » «Oui, nous avons appelé à participer et nous serons présents le 1er mai, c'est la fête de tous les Tunisiens», lance pour sa part Ameur Laâreydh, constituant et membre du bureau politique d'Ennahdha. A la question de savoir si la menace de débordements existe, M.Laârayedh réplique: «Nous avons demandé à notre base que les slogans et les affiches adhèrent aux valeurs du travail et de tout ce qui fait l'unité du peuple tunisien. Nous ne porterons aucun slogan partisan. Cette fête est la fête de tous les Tunisiens, elle sera donc sous le signe de l'unité nationale», assure-t-il encore une fois. Et le député de poursuivre son argumentaire en mettant à l'honneur les thèmes rassembleurs, tels que la justice ou le droit au travail et au bien-être. Cette fête procède d'un consensus autour des valeurs auxquelles adhère l'ensemble des Tunisiens, et c'est ainsi qu'elle sera, garantit M. Laârayedh. L'Ugtt prévient M. Sami Tahri, membre du bureau exécutif de l'Ugtt, porte-drapeau reconnu du défilé du 1er mai, déclare de son côté et sans fausse modestie : «C'est notre défilé : il aura pour point de départ la place Mohamed-Ali à 10h00, et se poursuivra ensuite sur l'avenue Habib-Bourguiba. Nous avons l'autorisation de l'Etat, et celui qui se prépare à gâcher notre fête sera considéré comme un saboteur. Nous sommes une grande maison et recevons tout le monde, renchérit-il, mais nous n'accepterons aucune instrumentalisation politique», déclare-t-il, presque menaçant. Dans la foulée, nous apprenons que l'Ugtt dispose d'un comité d'organisation de 500 membres chargés du bon déroulement de la « fête », qui sera agrémentée d'une exposition et de quelques spectacles de rue. La fête du Travail, cette fête qui revêt dans sa couleur locale post-révolutionnaire une saveur toute particulière, mobilise cette année tous les courants politiques et sociaux. L'occasion de refaire l'unité ? Mais l'unité se fait-elle seulement le temps d'une fête ?