KARACHI-PEKIN (Reuters) — Les autorités pakistanaises jugent peu probable que l'Américain d'origine pakistanaise, inculpé pour son rôle dans l'attentat manqué de Times Square à New York, ait agi seul, a déclaré hier le ministre pakistanais de l'Intérieur, Rehman Malik. "Selon les renseignements dont nous disposons, il dit qu'il a agi à titre individuel. J'ai tendance à ne pas le croire", a déclaré le ministre dans une interview accordée à Reuters au cours d'une visite à Pékin. Washington a demandé l'aide du Pakistan dans cette enquête, a écrit hier le Washington Post. Le Pakistan, a dit Rehman Malik, n'a pas reçu pour l'instant de demande officielle mais est prêt à leur accorder "toute aide, tout soutien" afin que les coupables soient traduits en justice. Faisal Shahzad, Pakistanais de 30 ans naturalisé américain l'an dernier, a été inculpé de cinq chefs d'accusation pour son rôle dans l'attentat manqué de samedi dernier à Times Square, dont celui d'usage d'une arme de destruction massive. Les investigations menées au Pakistan ont permis d'ouvrir certaines pistes, notamment sur un lien possible entre le suspect et un groupe islamiste du Cachemire. Selon des membres des services de sécurité pakistanais à Karachi, Shahzad était proche du Jaish-e-Mohammad, un groupe qui combat les forces indiennes au Cachemire et a des liens avec Al Qaïda et les talibans pakistanais. "Les gens qui ont été interpellés ont bien des liens avec le Jaish et ont également été en contact avec Shahzad durant ses visites ici", a dit l'un d'eux à Reuters. Une mosquée de Karachi Il faisait notamment référence à Mohammad Rehan, un ami de Shahzad arrêté mardi alors qu'il sortait de la mosquée Bat'ha de Karachi. D'autres suspects, notamment le beau-père de Shahzad, ont été placés en détention, selon la chaîne de télévision CNN. La mosquée Bat'ha est réputée pour avoir des liens avec le Jaish. Des responsables du groupe s'y rendraient de temps en temps. Les enquêteurs américains examinent en outre de possibles liens entre Shahzad et le Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP), le mouvement des talibans pakistanais qui a revendiqué la tentative d'attentat. "Il est bien connu que la mosquée Bat'ha est un lieu de recrutement pour le Jaish et de nombreuses personnes ont été envoyées dans les zones tribales (où le TTP est très présent) pour s'y entraîner", explique un responsable des services de sécurité pakistanais. La piste du TTP "est entièrement plausible mais nous n'excluons pas d'autres groupes", avait déclaré mercredi un responsable américain. "Il est important de parvenir à un tableau complet de la situation avant de tirer des conclusions, mais il nous faut encore donner des coups de pinceau", avait-il ajouté. Selon lui, le faisceau de renseignements conduisant à une responsabilité des talibans pakistanais est toutefois de plus en plus nourri. Le fils d'un général Si elle se confirmait, cette piste marquerait une première: le groupe pakistanais n'a jusqu'à présent jamais frappé sur le sol des Etats-Unis. Dès la revendication diffusée sur Internet, un certain nombre de responsables américains avaient minimisé, voire écarté cette thèse, rappelant que le Tehrik-e-Taliban Pakistan a déjà tenté de s'attribuer la responsabilité d'actes auxquels il était totalement étranger. Faisal Shahzad, arrêté lundi soir alors qu'il tentait de quitter les Etats-Unis par avion, a admis devant les enquêteurs avoir garé un 4x4 piégé dans ce quartier central de New York et avoir reçu une formation à la confection d'explosifs dans un bastion des talibans et d'Al Qaïda au Pakistan. Ancien analyste financier vivant et travaillant dans le Connecticut, Faisal Shahzad n'a pas le profil de nombreux hommes très pauvres du Pakistan que les talibans recrutent à coups de promesses de guerre sainte et de martyre. Il est le fils d'un général de division de l'armée de l'air, garantie d'un statut privilégié au Pakistan où les militaires constituent l'institution la plus puissante et influente. D'après la justice américaine, Faisal Shahzad est revenu aux Etats-Unis le 3 février avec un aller simple en provenance du Pakistan, où il avait passé les cinq derniers mois afin de rendre visite à ses parents. Il était à bord d'un avion en partance pour Islamabad, avec escale à Dubaï, lorsqu'il a été interpellé à l'aéroport international JFK de New York.