Curieux ! Dans la vitrine de la librairie Fahrenheit 451 à Carthage, au-dessus des livres, une installation d'une blancheur éclatante, constituée de feuilles enroulées, attire le regard. «J'adore me trouver entre les ouvrages», soutient la céramiste Marie-José Armando. Pour la troisième fois, cette artiste choisit ce lieu discret et intime pour exposer ses œuvres «les plus personnelles et les plus fines», précise-t-elle. La librairie Fahrenheit 451 se métamorphose souvent en galerie, pour accueillir des artistes d'exception. Marie-José Armando est toujours fidèle au rendez-vous. A chaque fois, elle s'amuse à créer dans l'osmose avec le papier et les mots. Sur les cimaises, les feuilles en terre ondulent et se figent dans leur mouvement. Elles se détachent, une à une, rappelant un parchemin ou encore une tablette en argile encore vierge, restée en suspens. A côté, des tas de morceaux minuscules de papier ornent également les vitrines. Marie-José Armando a une conception bien à elle des livres. Elle les fabrique avec de la terre cuite, traduisant en formes les mots et les réflexions. On dirait qu'elle pense avec ses mains. Sur les étagères, les cimaises et dans les vitrines, des pièces blanches de petite taille s'étalent comme des bribes de pensées inflexibles. Légères et simples, elles semblent tellement fines et délicates qu'une brise pourrait les casser. Mais au toucher, elles sont dures comme des pierres... «Ce sont aussi des miniatures qui s'apprêtent à grandir jusqu'à atteindre des dimensions démesurées», ajoute encore Marie-José Armando. Serait-ce une autre philosophie de pensée ? D'un autre côté, l'univers de cette artiste fascine par sa pureté. Il s'inspire des formes naturelles, voire organiques, qu'on a tendance à ne pas remarquer au premier coup d'œil. L'artiste soigne les rondeurs, en jouant sur la texture de la terre et ses contrastes. Elle marie les formes lisses et satinées avec d'autres plus granuleuses d'un blanc plus foncé. Elle les place l'une dans l'autre jusqu'à ce qu'«elles fassent une seule entité. Par ici, on croit deviner des feuilles mortes éparpillées par le vent, ou encore des sciures de bois soigneusement amassées. Par là, on pense reconnaître des noyaux de fruits polis, des galets et des tiges… A travers des couches fines enroulées sur elles-mêmes, on va jusqu'à imaginer une sorte de pâtisserie magique qui donne envie, par sa douceur, de croquer dedans. Les biscuits en terre cuite, accrochés aux cimaises, paraissent également comme un régal ! On se force à donner des noms aux structures exposées, mais en vérité, on ne fait que naviguer dans une sorte d'un «trompe-l'œil» indéfinissable. Autre fait magique de cette exposition, c'est la mobilité vibrante de ces miniatures. Par leurs petites tailles, elle donnent l'impression de flotter dans l'espace et de se multiplier chaque fois qu'on pose le regard sur elles. De plus, ces pièces sont étalées sur des plaques en acier qui, par le reflet de leur brillance, accentuent cet impressionnant effet de mouvement. Tout en étant abstraites, ces créations paraissent familières. Comme des livres, elles excitent l'imagination et poussent le visiteur à créer sa propre vision du monde. Marie-José Armando façonne non seulement la terre, mais les esprits aussi. L'exposition se poursuit jusqu'à la fin du mois de mai.