Par Jawhar CHATTY N'avait-il pas tort de parler, d'en dire plus qu'il n'en fallait? D'avoir manqué d'une certaine manière et conventionnellement aux règles de la préséance ? Il a rompu avec une règle au demeurant nulle part écrite : le devoir de réserve. Il a surtout eu l'audace d'être politiquement discourtois. Aujourd'hui, il prend acte des termes de la circulaire l'invitant à une obligation de réserve et une impérative solidarité avec le gouvernement. A présent, il assume, se rend compte qu'il ne peut se taire, et décide de se soustraire. Il est reconnaissant au président de la République d'avoir eu la haute obligeance d'accepter sa démission. «Gardez-vous des décisions discrétionnaires et du fait du prince. Gardez cette souveraine indépendance de chef d'Etat». Connaissant son caractère, son franc parler et sa rigueur en toute chose, c'est là et en substance le tout premier conseil que Chawki Abid avait sans doute soufflé à l'oreille du président. De ce premier conseil, le premier conseiller se trouve étrangement le premier bénéficiaire. Son départ de la présidence n'est pas seulement volontaire mais il est considéré comme un «grand soulagement» par le premier intéressé. Une libération en somme. Un affranchissement. Cependant, et là les choses se compliquent un peu, le conseiller, devenu aujourd'hui citoyen comme tous les autres citoyens, considère qu'il n'est plus tenu par aucune obligation de «redevabilité». Les mots ont un sens et du sens. Le devoir de redevabilité dont est tenu tout élu du peuple et tout responsable et acteur, même dans l'ombre, de la vie politique et des décisions qui engagent l'avenir du pays, est au cœur de toute politique de bonne gouvernance. Ce devoir est bien plus important que le principe non écrit du devoir de réserve. Dans une logique de transparence et si l'on pousse les limites de la réflexion, dans une approche «d'open gouvernance», le devoir de redevabilité transcende et dépasse toutes les notions non dites et «conventionnelles» relatives au devoir de réserve. Citoyen parmi les citoyens, M. Chawki Abid est tout à fait en droit de ne pas partager la problématique que nous soulevons ici en termes de conflit et de divergences d'interprétations entre l'obligation de réserve et le devoir citoyen de redevabilité dont serait idéalement tenu tout responsable vis-à-vis de la communauté nationale. Tout au plus, avons-nous réussi à arracher, et ce n'est guère un pléonasme, une toute petite phrase d'un conseiller qui avait apparemment pour seul tort d'être un peu «prolixe». Une métaphore en l'occurrence : la loyauté à la Tunisie, le respect des valeurs républicaines et de la démocratie. Et un sérieux et sincère message d'encouragement et de soutien au gouvernement.